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plus énorme et de plus funeste pour elle que celle qui consisterait à interpréter en sa faveur le retard dans le vote du Sénat... Je ne sais ce que le Sénat décidera, mais il y a une chose que je peux vous affirmer : c’est qu’il ne décidera jamais que vous n’avez pas à tenir vos engagements. »

En ce qui concerne particulièrement les relations des Etats-Unis avec la France, je suis en mesure de verser au débat un document traduisant la pensée de l’homme le plus qualifié peut-être parmi les adversaires du traité, M. Elihu Root : « Les Français qui connaissent les États-Unis ont bien compris que l’opposition acharnée faite en Amérique à la ratification du traité de Versailles vient d’un groupe des anciens amis de Roosevelt qui, comme Roosevelt lui-même, ont toujours aimé la France. Pendant la guerre, leur attitude n’a jamais été équivoque. Ils ne se sont pas décidés à défendre la cause de l’Entente pour des raisons politiques. Ils n’ont pas hésité, dès août 1914, à se déclarer contre l’Allemagne. Pendant la longue lutte, leur loyauté envers la France et leur dévouement à ses intérêts n’ont jamais fléchi. Aujourd’hui, lorsque le Sénat procède à l’examen de la question de la paix, ils distinguent nettement entre le traité de Versailles et l’engagement de soutenir la France en cas d’agression non provoquée. ILS APPROUVENT PLEINEMENT LE PACTE ANGLO-FRANCO-AMÉRICAIN ; ils ne songent pas à s’y opposer, ni pour des raisons personnelles, ni pour des raisons patriotiques... Au point de vue français, il n’y a aucune raison de s’alarmer de l’opposition faite par M. Root et ses amis aux « erreurs » de M. Wilson, Les hommes mêmes qui composent ce groupe resteront, comme ils l’ont été dès le début de la guerre, les amis fidèles de la France. »

Ainsi, munie des deux côtés à la fois, la France maintient sa confiance entière à ses amis des Etats-Unis, quel que soit le parti auquel ils appartiennent. Elle comprend parfaitement qu’il s’agit, non pas précisément d’une crise politique intérieure, mais d’une crise d’essence constitutionnelle Pour la première fois, l’opinion publique de la grande République est mise en présence d’une interprétation de la constitution et de la fameuse lettre du président Washington qui avait, en quelque sorte, force de loi et qui imposait à l’Amérique un système d’abstention dans les grandes affaires internationales et en particulier européennes. Quels sont, à ce sujet,