Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/938

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leux de l’œuvre inoubliable et permanente qu’ils avaient cimentée. Où sont ces choses et ces hommes ? Comment s’appelaient-ils ? Et pourtant ces centaines de siècles révolus dont le rayon palpitant qui nous vient de l’amas d’Hercule est le messager lointain, ils sont en vérité peu de chose dans l’histoire de l’évolution cosmique d’un système stellaire quelconque. Mais comment ne pas admirer cette astronomie qui est en réalité, grâce au recul spatial engendrant le recul chronologique, celle de toutes les sciences qui nous fait le mieux toucher du doigt le passé, la seule qui nous le rende présent et qui le fasse survivre à lui-même ?

C’est qu’il y a quelque chose de plus grand encore que les distances invraisemblables qu’elle mesure, c’est le fragile cerveau humain, puisqu’il est capable d’embrasser et de concevoir ces distances et que sans lui, sans la pensée, l’univers serait comme un diamant sombre qu’aucun rayon n’irise.

Connaissant la distance de l’amas d’Hercule, une foule d’autres déductions s’ensuivent immédiatement. Tout d’abord, on en déduit immédiatement l’éclat absolu, ou comme nous disons entre astionomes, dans un langage consacré par l’usage sinon très correct, la « grandeur absolue » des principales étoiles de cet amas. Étant donné que ces étoiles sont de treizième grandeur et qu’à leur distance le soleil serait une étoile moins brillante que la vingtième grandeur on en déduit immédiatement que les plus brillantes d’entre elles sont 2 000 fois plus brillantes que notre pauvre soleil.

On peut en déduire aussi les dimensions de cet amas globulaire. Elles sont colossales. On trouve en effet que son diamètre est égal à plus de trois cent cinquante années de lumière. Une étoile située à une distance de la terre égale au diamètre de l’amas d’Hercule devrait être cent fois plus brillante que le soleil pour être visible à l’œil nu.

D’ailleurs, les étoiles de l’amas d’Hercule sont beaucoup plus rapprochées les unes des autres que les étoiles qui avoisinent le soleil. Si on trace au centre de l’amas d’Hercule, — ou plutôt de son image photographique, — un cercle ayant pour diamètre la distance du soleil à l’étoile le plus rapprochée de nous, on trouve que ce cercle contient un très grand nombre d’étoiles de l’amas. La concentration des étoiles, la densité de la population stellaire, si-j’ose m’ex primer ainsi, est donc beaucoup plus considérable dans cet amas que dans la région relativement désertique de l’espace où divague notre système solaire.