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neustrien, lui aussi, a été grièvement blessé et fait prisonnier. L’itinéraire du rapatriement veut qu’il passe par la ville où s’est fixée sa mère. Va-t-elle le recevoir à ce foyer hostile où tout lui rappellera qu’il ne peut être chez lui ? Oui, certes. Et les deux frères ennemis se retrouvent bientôt face à face. Un premier mouvement de haine les pousse d’abord l’un contre l’autre. Mais ces deux grands blessés, qui ne sont plus que des épaves, s’apaisent en évoquant les souffrances communes. Le souvenir même de leur martyre les réconcilie. Toute la pièce a été faite pour cette scène d’un rapprochement qui veut s’élever jusqu’au symbole.

Elle n’est à vrai dire qu’une suite de monotones conférences. Dans un louable désir de réserver une place aux idées les plus contradictoires, l’auteur a fait intervenir un vieil oncle du soldat neustrien, chargé de représenter la fidélité aux traditions nationales. Mais ce porte-parole du patriotisme ne trouve, par malchance, que les plus pitoyables arguments. On serait à chaque instant tenté de lui souffler de faciles répliques, qui donneraient moins beau jeu à ses adversaires trop aisément triomphants.

Une agréable musique de scène s’entremêle discrètement à cette déclamation. La pièce se fût-elle accommodée d’une plus bruyante partition, celle qu’en des soirs tout proches encore exécutait la grosse voix de basse des Berthas ? On est en droit de se le demander.

L’interprétation est honorable. Après Mme Suzanne Desprès, qui a joué avec une sobriété un peu sèche le rôle de Sabine Folster, il faut citer Mlle Falconetti, excellente dans le rôle d’une jeune fiancée dont le conflit des races trouble les premiers rêves.


Voilà donc trois pièces représentées à quelques jours de distance et à travers lesquelles souffle le même mauvais vent. Que pensent leurs auteurs ? Qu’ont-ils voulu dire ? Quelles sont leurs intentions ? Je me borne à constater qu’il se tient dans leurs pièces des propos qu’on ne devrait pas entendre sur des scènes françaises au lendemain de nos souffrances et de nos gloires. Dans les Chaînes, un artifice de théâtre permet à une anarchiste russe d’exposer la théorie de l’internationalisme. Dans l’Animateur, le héros de la pièce, dont on fait un apôtre et un martyr, travaille de toute son âme à préparer le grand chambardement. Dans la Captive, on étale les maux de la guerre pour nous en inspirer l’horreur, comme s’il suffisait qu’un peuple oui l’horreur de la guerre pour que personne ne vînt l’attaquer. Et mettant sur le même pied les belligérants d’hier, les agresseurs