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l’édifice qui branle. Au bord du Danube les peuples sous le joug frémissent, les Roumains, les Yougo-Slaves. « Je vis avec le souvenir de ce qui fut et dans l’espoir de ce qui sera, » écrivait en juin la reine de Roumanie, qui fut l’âme de la résistance nationale ; dès que l’armée française approche, les journaux germanophiles brûlent sur la place publique de Iassi. De l’autre côté du Danube, sur les collines boisées de la Slavonie, les déserteurs croates de la « Garde verte » amoncellent munitions et armes, réserves d’une révolution latente. Il suffira que nous apparaissions sur le Danube pour que s’écroule l’empire autrichien.

Mais il n’y a plus de routes : les Allemands qui se retirent détruisent scientifiquement les voies ferrées, les liaisons téléphoniques, télégraphiques, les ouvrages d’art ; le 5 octobre tombent les premières pluies de l’automne et les orages bouleversent les derniers chemins praticables ; enfin les Austro-Allemands envoient en hâte des renforts, le corps alpin retiré d’Alsace, la 217e division enlevée de Roumanie, la 219e qui accourt de la Crimée, la 9e division autrichienne. Infatigable, la Ire armée serbe se rue à la conquête de la patrie ; la cavalerie française l’éclaire ; l’artillerie lourde française l’appuie ; dévalant la vallée de la Morava, forçant les défilés qui la barrent, sautant de ville en ville et de bassin en bassin, le 3 octobre à 60 kilomètres d’Ouskoub, au Nord de Koumanovo, elle met sens dessus dessous les premières forces austro-allemandes ; le 4 elle est à Vrania (60 kilomètres de Koumanovo), le 7 à Leskovats (66 kilomètres de Vrania), le 12, après trois jours de bataille, à Nich (44 kilomètres de Leskovats).

Les difficultés s’accroissent : l’artillerie lourde, l’artillerie de campagne même ne peuvent plus suivre ce vertige : l’ennemi a raflé les bêtes de trait ; ils ne faut plus escompter le ravitaillement par l’arrière ; les chaussures s’éculent ; les vêtements de toile sont en lambeaux. Les divisions courent nu-pieds, un jour de feu avec elles, vivant de paprikas, d’oignons et d’eau claire. Les femmes, les enfants, les vieillards qui se soulèvent contre l’oppresseur en fuite sont les auxiliaires de l’armée. Du 14 au 22 octobre les masses serbes se déploient en éventail sur les chemins qui. partent de Nich : le 15 sont occupés Pirot d’un côté, Krouchevats de l’autre, le 22 les vallées du Timok et de la Morava de l’Ouest. A l’aile gauche, les