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tangible des appétits du passé, Liaptchef, désabusé, réprime un triste sourire.

Cependant les émissaires du Tsar, dont le trône oscille, prétendent rentrer désormais dans la neutralité de jadis. « Comment neutres ? » rétorque le général d’Esperey qui présente à leur agrément la convention militaire. « Vous n’êtes point des neutres, mais des vaincus. » Nul ne proteste. Les plénipotentiaires acceptent toutes les conditions imposées. A la dernière heure, pris de tardifs scrupules, désireux surtout de se décharger des responsabilités sur le « pouvoir civil », ils demandent à Sofia, par T. S. F., s’il peuvent signer l’armistice. « Si vous avez pleins pouvoirs, répond Malinof que les émeutes pressent, c’est pour traiter, et hâtez-vous ! » Le 29 septembre, à dix heures du soir, la Bulgarie se soumet.

Évacuation des territoires grecs et serbes ; remise des prisonniers alliés ; reddition des éléments restés à l’Ouest du méridien d’Ouskoub, c’est-à-dire, de trois divisions de la XIe armée allemande, soit 90 000 hommes, 1 600 officiers, 5 généraux, 800 canons, des centaines de minenwerfer, des milliers de mitrailleuses, 30 000 animaux, 1 300 wagons, 200 locomotives, un butin énorme ; démobilisation des trois autres armées bulgares, à l’exception de trois divisions qui pourront garder les frontières de Dobroudja et de Thrace ; les Austro-Allemands expulsés de Bulgarie ; les dépôts d’armes, de munitions, de véhicules placés sous le contrôle des Alliés, des garnisons alliées aux points stratégiques, la libre disposition par les Armées Alliées des voies de communication et des ports, des moyens de transport, des chevaux : aucune humiliation, des garanties. Traité frappé au coin français, qui met les Bulgares hors d’état de nuire, mais n’entrave en rien leur labeur de paix.

Le 3 octobre, Ferdinand, « le premier espion de l’Allemagne, » comme le qualifiait un de ses officiers capturés, abdique sous la pression de ses ministres et les menaces de ses sujets.


Vainqueurs dans la course au Vardar, les Alliés courent au Danube : il reste à liquider les 50 bataillons allemands qui sont en Serbie ou y viennent en hâte ; il faut surtout, la lézarde ébréchant le mur de la Mitteleuropa germanique, faire crouler