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à la voie ferrée de Kitchevo-Kalkandelen, acculent la XIe armée à la dernière porte de secours (29 septembre).

Pressée dans ce corridor du bassin de Tetovo, que barrent les 2 500 mètres du Char, l’armée allemande n’a qu’une issue : la route Kalkandelen-Onskoub sur les croupes adoucies de la haute vallée du Vardar. Le 29, la porte est fermée : la cavalerie, venue de Vélès, escaladant les fourrés rocailleux par dessus la cluse de Taor, débouche dans le bassin d’Ouskoub, et, maîtresse de la sortie du défilé de Kalkandelen, en liaison avec la Ire armée serbe qui tient ferme la rive gauche, embouteille les 100 000 hommes de la XIe armée. La IIe armée serbe, après la prise d’Ichtib le 25, oblique vers le Nord-Est, remontant la Bregalnitza : le 29, elle apparaît à Tsarevo-Selo sur les crêtes boisées de la frontière, va descendre sur la moyenne Strouma, menace Sofia et la retraite de la Ire armée bulgare ; celle-ci au Sud est pressée par les Anglais et les Hellènes. Les Alliés, rejetant en Bulgarie les régiments vaincus, qui se démobilisent d’eux-mêmes, achèvent de libérer la Macédoine du Nord.


Une armée étreinte entre la montagne et les vainqueurs, qui n’a d’autre alternative que capituler ou mourir de faim, une autre armée débandée rentrant dans son pays en désordre ; les garnisons de l’intérieur se retournant contre les maîtres, celle de Radomir marchant sur Sofia : en quinze jours s’est effondrée la force bulgare. Le gouvernement du Tsar envoie demander la paix. Le 28 au soir, les plénipotentiaires se présentent à Salonique au Grand Quartier Général : l’avocat Liaptchef, ministre des Finances, paysan trapu, gras et riche, endimanché dans son complet clair, une casquette grise à la main ; le général Loukof, commandant la IIe armée, qui vient derrière la Strouma de passer deux semaines tranquilles, blond et rose, boursouflé, voûté, courbé sur le poignard de sa cuisse gauche, l’ambassadeur Radef qui derrière son lorgnon s’efface, mais masque mal l’air finaud du diplomate inquiet. La catastrophe pèse sur les épaules tassées de Liaptchef, sur le dos accablé du général. Au mur de la salle, où ils attendent les volontés du maître de l’heure, une carte ethnographique de la Macédoine, qu’a publiée à Sofia Ivanof aux grands jours de l’impérialisme bulgare victorieux : et, devant ce témoignage