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l’apôtre de l’offensive balkanique à Paris, à Londres, à Rome. Le 18 juin, le général Franchet d’Espérey a débarqué à Salonique. Le 28 a été arrêté le plan de l’offensive générale. Durant deux mois, avec une énergie obstinée, implacable, le général en chef va ancrer la manœuvre dans l’esprit des exécutants, imposer l’audace, s’en tenir aux objectifs, aux obstacles, s’entêter sur la date choisie, crier sa foi dans le succès, revendiquer pour soi les responsabilités techniques, réclamer pour l’armée le droit de vaincre.

Les difficultés semblent insurmontables : il faut dompter simultanément la montagne et l’armée ennemie.

Entre les deux grandes voies de pénétration de la Macédoine, la vallée du Vardar et les plaines s’échelonnant de Prilep à Kozani, se dressent, parallèles à ces routes, les chaînes que coupent les gorges sombres de la Tcherna, que traversent, plus au Sud, dans une vallée accessible, sur les traces de l’antique via Egnatia, le chemin de fer et la route d’Ostrovo à Vodena. L’effondrement de la Campanie salonicienne échancre le versant oriental en un vaste arc de cercle de la Vistritza au Vardar ; au centre même, une cassure profonde y a marqué le petit bassin de Karadjova, affouillé encore par les ruisseaux que la Moglenitza rassemble. Le rempart montagneux le protège du vent âpre qui souffle du Nord ; les canaux irriguent ses steppes jaunâtres, bariolent la « plaine bigarrée » de cotonniers, de tabacs, de paprikas, de maïs, la parsèment, du pied des pentes à la rivière, de villages de jardiniers. Derrière cette oasis basse (200 m. d’altitude moyenne), qui en pleine guerre enclôt encore 46000 paysans, une muraille érige à 1 600 mètres en moyenne ses arêtes de gneiss ou ses chaos de granit : les éboulis escarpés du Sokol dont de rares sapins signalent la cime (1 800 mètres), la calotte chauve du Dobropolié que barrent à 1 700 mètres les dents de scie de la crête, le sommet abrupt du Vetrenik qui surplombe net la plaine de son front de 1 400 mètres et où seuls des sentiers de chèvres peuvent grimper le long des flancs, le Koziak dont les sommets blancs surgissent à 1800 mètres de hètraies touffues, les sapinières qui cernent le piton du Koutchkov-Kamen(1 800 mètres), et, au delà, les flancs moutonnés et ras du val de Rojden, les falaises que découpe en silhouettes fantasmagoriques le torrent de Gradechnitza. Vers le Nord, de douces ondulations cultivées descendent jusqu’à la plaine du Tikvech,