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Or, en ce printemps 1918, l’Allemagne rassemble ses forces, fait flèche de tout bois pour son assaut sur le front français : le 15 janvier, il y a encore en Macédoine, intimement mêlés à l’armée bulgare, 19 bataillons allemands ; le 15 juin, il n’en reste que 2 en ligne ; une partie de l’artillerie lourde allemande s’en va aussi à l’Occident. L’élève sent moins la férule. L’ami, l’agent de l’Allemagne, Radoslavof, est renversé (19 juin).

Ce n’est encore qu’un chantage : il faut acquérir la Dobroudja, conserver la Thrace orientale, et Radoslavof à Berlin va se concilier l’arbitre. Le Bulgare n’est point rassasié. En tout cas, il tient ferme sa part de dépouilles : les journaux de Malinof excitent le sentiment populaire, montrant les conquêtes menacées par la résurrection, à Salonique, de la Serbie, de la Grèce. A Sofia, les responsables de l’impérialisme bulgare, les Macédoniens, sont encore les maîtres : Radef conduit les affaires étrangères, Liaptchef est le second du nouveau Premier, Malinof. Et surtout ses origines allemandes, ses tendances d’autocrate, ses sympathies personnelles, tout rive Ferdinand aux empires du Centre. Sans doute dans le pays la gêne, le mécontentement sont des ferments révolutionnaires : la révolution peut jaillir de la défaite. Encore faut-il montrer au Prussien des Balkans, incorrigible, que l’Allemand, dont la maison brûle, ne pourra sauver l’écurie bulgare. Le 13 juillet 1918, une feuille socialiste bulgare revendique encore toute la Macédoine ; Malinof lui-même n’a cessé dans son journal d’exalter la force allemande, d’applaudir les sous-marins, de crier des Vae Victis : « Vive la poigne sacrée, » entonne le poète national Vazof. Tous ne connaissent que la force. Ils ne peuvent renoncer à leurs appétits, à leurs complices qu’une fois leur armée et leurs alliés vaincus.


C’est ce que comprirent et la perspicacité du général Guillaumat et la ténacité de son successeur. Alors qu’en juillet les conseils de l’Entente, absorbés par la tension allemande, étaient moins résolus à combattre les Bulgares qu’à négocier avec eux, le général Guillaumat, se dégageant des soucis de l’heure, fondant sa conviction sur l’expérience heureuse des dernières attaques partielles qu’il avait conçues et menées, sur ses connaissances de la force et du moral bulgares, se fit, avec la clarté charmante de son regard, la netteté précise de ses paroles,