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Berlin pourtant en 1878 détruit le rêve de San Stefano. Mais la Grande Bulgarie aurait été une vassale. Pour s’affranchir du joug russe, Stamboulof après Battenberg, Ferdinand après Stamboulof, orientaient la Bulgarie sur les voies de l’Europe centrale ; la coalition de 1912 interrompit à peine un an (octobre 1912-juillet 1913) l’évolution germanophile ; le traité de Bucarest, les visées des Sazonof, des Milioukof sur les Détroits, les espoirs du Piémont serbe attirant 12 millions de Yougoslaves, poussent définitivement les Bulgares dans les bras des Austro-Allemands. Depuis 1912, l’Allemagne jetait sur la Bulgarie le filet de ses sociétés « danubiennes, » « balkaniques, » « bulgaro-allemandes ; « à la fin de 1914, ses banques versent au gouvernement bulgare 250 millions, en promettent 250 autres, tandis qu’au ministère de la guerre s’installent des officiers de Berlin. Dès l’entrée en ligne de l’armée bulgare, et surtout depuis l’échec de septembre 1916, l’Allemagne se saisit de l’armée, des communications, du marché, du travail bulgares. En 1916, la Mittelleuropa encore théorique de Naumann incorpore la Bulgarie. La XIe armée allemande est reconstituée, un général allemand est placé à la tête du groupe d’armées de Macédoine, 21 bataillons allemands, des détachements de mitrailleuses, de minenwerfer, viennent étayer les troupes bulgares sur les positions les plus délicates où la ligne a précédemment fléchi, l’artillerie lourde allemande double l’artillerie bulgare, des techniciens allemands exploitent les chemins de fer, les 9/10 des camions de l’armée bulgare viennent d’Allemagne, et toutes les escadrilles moins une, et les munitions et le matériel ; enfin, le 30 octobre 1917 les régiments bulgares sont refondus sur le type allemand. Des expositions, des représentations, des journaux, des bibliothèques se rendent maîtres pour l’Allemagne de l’opinion publique bulgare. Des germanophiles notoires dirigent le ravitaillement ; l’Office d’alimentation a partie liée avec l’administration allemande ; le traité du 17 août 1917 confie les mines de charbon aux autorités impériales ; le trésor bulgare ne s’emplit que par les avances des Centraux : à la fin de 1917, l’Allemagne lui a versé 1 400 000 000 de levas.

La Bulgarie n’est pour sa suzeraine qu’une colonie d’exploitation. Sans doute l’Allemagne commence par acheter la récolte : le paysan bulgare s’enrichit (les dépôts des banques bulgares