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France des besoins de la Macédoine ; il provoqua la formation de groupements économiques, qui centralisaient dans chaque région les offres des industriels, étudiaient les modes de transport, tentaient de faciliter les sorties, enquêtaient sur les frets de retour et les exportations macédoniennes : les comités Lyon-Macédoine, Marseille-Salonique et leurs congénères des autres grandes villes de France, Dijon, Grenoble, Bordeaux, Angoulême, établirent la liaison, n’attendant pour agir que la fin des hostilités et de la pénurie des transports.

Six mois après la création du Bureau commercial, 73 p. 100 des commandes du marché de Salonique étaient passées aux maisons françaises. La semence était faite : il s’agit de récolter.

N’est-ce point encore préparer l’avenir qu’ouvrir, l’intelligence des enfants au charme des mots, au goût des idées de France ? Déjà à Salonique les deux écoles des Pères Lazaristes, le lycée et le cours de jeunes filles de la Mission Laïque accueillaient plusieurs milliers de jeunes Grecs, Turcs, Israélites, futurs clients de nos librairies et de nos manufactures. Pourtant l’instituteur balkanique fut toujours, parmi les Grecs et les Slaves, un agent de propagande nationale, au même titre que le pope ou que le comitadji. Les Bulgares durant trente ans étaient passés maîtres dans l’art du prosélytisme scolaire ; l’Exarchat disposait de plus de 400 000 francs par an pour ses œuvres macédoniennes, et dans ses écoles, sans concurrentes, répandait tous ses dogmes, le catéchisme, la langue, l’histoire de la Bulgarie ; de 1895 à 1905, affirment ses statistiques, il quintupla le nombre de ses élèves, qui s’éleva à 45 000, Quand, après trois ans d’interruption en 1915, ces Bulgares réapparaissent dans la Macédoine du Nord, les livres serbes sont détruits, les écoles serbes fermées. L’éphémère conquête de 1916 dans la Macédoine du Sud introduit les mêmes méthodes. Les Serbes y avaient respecté le rituel patriarchiste. Les Bulgares n’admettent que la messe bulgare, et, comme les popes ne connaissent que le macédonien ou le grec, les églises sont fermées. Ainsi en fut-il à Tepavtzi, Stivitza, Dobroveni, Bistritza, Holeven, Lajets, Velouchina, Ostrets, Gradechnitza, Dragoch et tous les villages de Pélagonie. Une seule exception, à Monastir où il fallait se concilier l’importante colonie grecque. Partout ailleurs, ce fut la bulgarisation par la force. Le vainqueur nationalise même les cimetières, où sur les croix