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de chaussées solides qui rayonneraient vers le front. Les Anglais se chargeaient de la route de Serrès. Notre lot fut le secteur Nord (vers Narech, vers Dogandji) ; des ponts de bois furent jetés sur le Galiko et sur le Vardar, la grand’route de Monastir fut empierrée jusqu’à Ienidjé. Quand, au printemps 1916, fut résolue l’offensive de l’aile gauche, en trois mois le génie, les bataillons d’étapes et la main-d’œuvre civile retournèrent de fond en comble 65 kilomètres de routes, 250 kilomètres de pistes. La route de Verria-Kozani, indispensable au mouvement prévu, inaccessible aux camions par son profil et son étroitesse, fut de mai à août réparée sur 150 kilomètres. Quand, après l’avance victorieuse, la ligne se stabilisa en arrière de Monastir, le chemin de fer n’apporta les munitions et les vivres qu’à Ekchissou d’abord (où la voie était coupée), plus tard à Florina, à Sakoulevo, à Holeven. De là, les camions partaient pour ravitailler l’avant : quatre, puis deux divisions serbes, la forte division italienne, l’armée française presque tout entière (3, 4, puis 7 divisions). Depuis le fil ténu du chemin de fer qui les reliait à Salonique, des routes nouvelles rayonnent vers les secteurs de la Tcherna, de Monastir ou des Lacs. Pour atteindre le front de la Boucle, l’armée serbe franchit, construit 10 kilomètres de chaussée en plaine, 20 kilomètres en montagne. Elle s’attelle à cette besogne de Sakoulevo à Brod, puis au delà de la Tcherna : là, des ravins profonds éventrent les croupes, l’érosion taille des précipices, les aiguilles schisteuses hérissent de leurs arêtes vives les flancs granitiques et ronds ; pas un mur dressé ; pas un arbre ; de rares et basses maisons qui, à l’abri des vents, se recroquevillent dans les conques. C’est dans ce paysage de désolation que les Serbes taillèrent celle moulée de 20 kilomètres, de Slivitza sur la Tcherna aux cahutes d’Iven, à 1 200 mètres d’altitude.

A l’opposé de la plaine, les Français doublent la grand’route plate que l’ennemi arrose sans cesse par ses avions et ses batteries, et, sur 30 kilomètres, au pied des pentes, ils en aménagent une seconde. Vers l’extrême Ouest, c’est un long ruban, qu’au col de Pisoderi les neiges d’hiver interrompent, sur lequel les camions roulent pour approvisionner l’aile gauche ; des téléfériques sont construits afin d’éviter les neiges, et la route devient Carrossable jusqu’à Koritza (80 kilomètres de Florina) et Liaskoviki (90 kilomètres de Koritza). Là, à la rencontre de nos