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international débordant d’une confiance candide et d’égards larmoyants vis-à-vis de toutes les duplicités, de tous les machiavélismes et des plus grossières brutalités. Ni les objurgations de ces habitants de la région du Nord qui avaient vécu sous la botte allemande, ni les attestations des prisonniers militaires et civils arrachés à leur geôle, ni l’exemple terrifiant de la Russie, rien ne pouvait leur ouvrir les yeux. Parmi ces sophistes, les plus déclarés ont été écartés par le suffrage universel.

Je pense que leurs successeurs avertis ne se livreront plus, sur ce point, à aucune surenchère.

Ainsi la Chambre pourra réfléchir et envisager de sang-froid les graves difficultés de l’heure présente. Au moment de la négociation, on a laissé faire. « De guerre lasse » (le mot n’a jamais été plus juste) on s’en est rapporté aux hommes que la destinée avait réunis, à l’heure de la victoire, dans les salons du quai d’Orsay... Le résultat est que Paris reste, sans protection territoriale effective, à quatre marches de la frontière, qu’Anvers et Bruxelles sont exactement dans la même situation stratégique qu’à la veille de la guerre et que l’Allemagne, plus une que jamais, constitue, au centre de l’Europe, un bloc territorial et économique (je ne dis pas militaire), qui peut, dans les balances de l’histoire future, peser d’un poids énorme, sans contrôle et sans contre-partie.

Cela même, on l’a accepté. Mais on n’acceptera plus rien désormais qui ressemble à une concession touchante l’équilibre des forces en Europe ; toute interprétation du traité qui aurait pour effet de grandir la Prusse en Allemagne et l’Allemagne en Europe serait barré d’un trait ferme. L’Europe veut être chez elle : elle entend qu’aucune force centrale ne soit désormais prépondérante en son sein. Que l’Allemagne ne se laisse pas entraîner, sur ce point, à la moindre tentation. La diplomatie recevrait du parlement des ordres formels, je n’en doute pas, et elle aura à trouver les moyens d’empêcher les choses de se gâter en vertu de l’axiome qu’elle connaît bien : principiis obsta.

On a vu, à des exemples récents, que toute sagesse et toute énergie n’appartenaient pas, par privilège, aux délibérations du Conseil suprême. D’Annunzio a su tenir en échec les décisions de la Conférence : le masque des augures a reçu de ce fait une nazarde qui l’a fortement endommagé. Il ne plaît pas