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Les cassures profondes des hauts escarpements calcaires, occupés encore par des lacs (Okhrida), par des marécages (Malik), ou bien déjà colmatés, fertilisés, comme la plaine de Koritza elle-même, s’ouvrent au trafic du Midi grec (par la Vistritza supérieure) ou aux invasions du Nord albanais (par la vallée du Drim noir). D’un autre côté, les plis montagneux, s’abaissant par endroits à près de 1 000 mètres, laissent place d’Ouest en Est à des seuils, à des passages, à des grand’routes : celle de Santi-Quaranla et Ianina à Monastir franchit à 1 073 mètres (col d’Ersek) les crêtes du Gramos, à 1 090 mètres (col de Giavat) celles de la Baba. Au carrefour des routes de Strouga Dibra-Kastoria et de l’Adriatique ou l’Epire vers Florina et Monastir, s’est établie une ville de 40 000 âmes, lieu d’échange des produits des montagnes voisines, des champs et jardins des abords, bois, peaux, laines, fromages, grains, tabacs, vins, prunes, amandes, petit centre industriel qui fabrique tapis, couvertures, qui dresse près de la montagne calcaire comme sur la plaine argileuse ses plâtreries, ses briqueteries, agglomération bourgeoise, ouverte aux influences européennes dans ses maisons de pierre blanches et hautes, ses rues régulières, pavées et larges, son église orthodoxe et ses écoles grecques, double foyer de culture hellénique dans un milieu albanais.

A l’automne 1916, l’avance française, qui conquiert Florina, amène nos flanc-gardes de gauche aux rives orientales des Lacs. Des bandes albanaises, payées et menées par des officiers grecs royalistes ou des officiers autrichiens, menacent les derrières des troupes qui s’engagent entre les lacs de Prespa et d’Okhrida. Nous nous installons à Koritza (17 novembre 1916). Depuis quatre ans, la région avait été soumise à trois régimes successifs : les troupes grecques l’avaient occupée à la fin de 1912 ; le protocole de Florence l’avait donnée au prince de Wied (fin 1913) ; l’armée hellénique y était rentrée en octobre 1914. En octobre 1916, la colonisation militaire italienne avait fait son apparition à l’Ouest, le long de la route venue de Santi-Quaranta. Entre ces influences rivales que servait un vigoureux prosélytisme scolaire, rançonnés tour à tour par les libérateurs éphémères, las de quelques centaines d’agités qui voulaient jeter musulmans et orthodoxes dans l’anarchie albanaise ou les révolutions helléniques, les marchands de Koritza aspiraient surtout à la paix. Nos administrateurs tâtonnèrent d’abord. Il