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la population affamée ; puis la « Commission mixte de ravitaillement » de Salonique, où des officiers des armées alliées et les administrateurs locaux siégeaient côte à côte, prit en mains la répartition des vivres, et, en face de l’indifférence du gouvernement d’Athènes, nourrit la Macédoine durant les trois ans d’occupation.

Ce fut surtout l’armée française, forte de ses méthodes coloniales, qui entreprit la mise en valeur. Le général Guillaumat, de la lignée des Bugeaud, des Faidherbe, des Galliéni, débarque en décembre 1917. Ce cartésien soldat ne vit point au jour le jour : il pose ses règles, déduit ses méthodes, se prescrit des devoirs, répartit les fonctions, crée les organes. Dans cette guerre coloniale, contre ces ennemis, la maladie, la faim, la soif, la distance, il importe d’abord de faire vite. Il faut dresser ses plans, ses officiers, ses troupes. Une direction de l’arrière est créée qui aura la haute main sur tous ces organes de combat contre la nature. En France, l’arrière qui reçoit tout de l’intérieur n’est qu’un instrument de distribution. En Orient, c’est un organe créateur. La guerre sous-marine menace plus que jamais de trancher le lien fragile qui unit Salonique à la France : déjà on doit créer pour les évacués, les permissionnaires, les renforts, la voie de fer, de terre, de merde Salonique-Bralo-Itea-Tarente. Le tonnage diminue sans cesse et l’expédition devra peut-être se contenter de ses seules ressources. Au surplus, la nourriture de conserve ne vaut rien durant les mois chauds : les aliments frais, fruits, légumes sont, sous ce soleil, la santé du soldat d’Europe ; le foin est indispensable aux nombreux convois, chevaux et mulets. Il faut donner de l’eau potable, purifier les sources infectieuses ; il faut construire pour l’hiver de pluie, de boue et de neige, des cantonnements hygiéniques et chauds, les approvisionner de combustibles ; il faut choisir pour les bivouacs d’été des sites de repos dans la montagne saine, dresser, pour les divisions anémiées dans les tranchées de l’avant, des baraquements légers, à l’abri des miasmes. Telles sont les tâches de l’arrière : créer des potagers et des jardins, des abreuvoirs et des sources, des gîtes d’étapes et des cantonnements, enfin, dans la montagne rocailleuse comme sur les marécages de la plaine, des rubans de routes empierrées.

En 1916-1917, l’armée a édifié le camp retranché et délivré