Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/890

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la plaine inondée puis les rocs nus de la Boucle, rejoignant l’ancienne frontière gréco-serbe sur la rive droite de la Tcherna. Elles devaient y rester deux ans.

Au surplus, elles avaient accompli leur tâche, conjuré la menace de Mackensen, arrêté, refoulé l’invasion bulgare, dégagé Salonique, libéré la Macédoine.

Dans Monastir délivré, disciplinées par un vétéran de l’armée serbe, respectant le calot kaki de cette tête grise, la baïonnette et le fusil que balance cette épaule lasse, les Turques et les Slaves, emmitouflées dans le voile noir ou la coiffe bariolée de vert et de rouge, se pressent sous les bureaux serbes, recueillent dans des sacs bigarrés la farine de notre intendance. L’obus bulgare précipite les mendiantes dans les caves, les dissémine le long des murs ; mais, dès qu’est dissipé le nuage de poussière échappé des plâtres croulants, des bois fumant de la maison effondrée, la foule peureuse vient tendre ses bras de soie sombre ou de toile blanche à la manne, au pain français.


IV. — LA PAIX FRANÇAISE

Après le Bulgare, la fièvre est le second fléau de la Macédoine. Le Barbare chassé, il faut vaincre la maladie. La lutte contre le paludisme succéda à la campagne de 1916. Elle fut méthodique et victorieuse.

Nos soldats se sont installés, ont combattu dans les plaines basses : la Campanie salonicienne, le delta et les bassins du Vardar, le chapelet des marécages, mi-asséchés ou encore humides, que traverse la grand’route Sud-Nord de Kozani à Monastir, la steppe herbeuse de Kaïalar, les marais bordiers du Roudnik, enfin l’immense, la monotone platitude de la Pélagonie inculte et vaseuse. Ici les monastères trônent sur les terrasses de l’ancien lac, Sveti Marko, Kladerop, Dragoch, Kristofor, etc. ; les gros villages de pierres s’égrènent tout le long des pentes aux cônes des rivières qui ont raviné la Baba, le Starkov grob ; dans le recoin qu’a affouillé la pluie torrentielle, Florina cache ses maisons bleuies, aux toits de tuiles, aux vignes grimpantes ; à l’entrée de la trouée de Resna, au carrefour de deux grandes routes marchandes (la voie Egnatienne entre autres), Monastir groupait ses 50 000 âmes à