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du traité, des divergences profondes. Si l’union doit se faire et se maintenir, c’est sur ce sujet.

Les représentants de l’Alsace-Lorraine, les représentants des régions dévastées, les députés nommés sous l’inspiration du bloc national et des groupes de combattants, constituent une sorte de vieille garde, — les grognards de la victoire, — qui n’admettront pas facilement qu’on y porte atteinte. Ils savent très bien qu’il ne s’agit pas de la victoire d’un jour, mais d’une victoire de tous les jours et qui se prolongera dans les faits de telle sorte que les heures de la guerre deviennent, par des réalisations exactes et des transitions insensibles, celles de la paix.

Si les élections ont un sens, c’est celui-là : Garde au Rhin ! L’idée que l’Alsace et la Lorraine, après être rentrées spontanément au foyer, pourraient courir un risque quelconque du fait d’un impérialisme allemand rapidement reconstitué, l’idée que l’abominable forfait commis aux dépens de nos régions envahies ne serait pas, dans la mesure des forces humaines, réparé, l’idée que l’Allemagne pourrait refaire contre nous un bloc offensif, alors que nous aurions cru naïvement aux faux prophètes de la légende pacifiste, une telle appréhension, ou mieux une telle vague d’angoisse balaierait tout, si on lui donnait jamais l’occasion de se soulever.

C’est peut-être en ce point que se trouvera, dès le début, la fissure latente entre les Chambres et le gouvernement actuel ; Que celui-ci se méfie des apologies trop docilement répandues et applaudies. Les paroles coulent ; mais la blessure demeure. Si jamais une velléité quelconque venait à l’Allemagne de se dérober à ses engagements et si elle n’était pas ramenée immédiatement à l’innocuité, le sang ne ferait qu’un tour et l’on trouverait des hommes qui ne se laisseraient pas intimider. A l’heure où j’écris, nous en sommes encore aux polémiques épistolaires entre M. Clemenceau et. M. von Lersner. Après quatorze mois, l’heure des polémiques est close ; il faut passer aux actes. Nous avons assez lu de protocoles allemands. Le moindre sac d’écus ou le moindre sac de charbon feraient bien mieux notre affaire.

Il y avait, dans l’ancienne Chambre, un parti qui, par une singulière méconnaissance des véritables sentiments et intérêts populaires, avait adopté pour système une sorte de pacifisme