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Les avant-gardes ennemies avaient stoppé sur les collines broussailleuses qui dominent la nappe jaunâtre, les rivages plats du Roudnik, les flots bleus du lac d’Ostrovo surgissant des murailles blanches. Quelques croix y marquent encore les fosses où, sous le soleil inclément et sous les balles bulgares, furent couchés les premiers Français. En ce mois d’août 1916, accourant étayer l’armée serbe accablée, rétablissant la situation compromise, nos Algériens et nos Francs-Comtois partent délivrer la Macédoine. Derrière eux, les décombres boueux de Nalbandkeuil témoignent des vengeances turques, de la première délivrance ; devant eux, Ekchissou, qui relevait à peine ses briques brûlées en 1912, fume encore d’un incendie tout récent. Et, sur les ravins de la Malareka, le pont du chemin de fer saute.

L’attaque franco-serbe a commencé le 12 septembre, et la nuit même où l’aile gauche bulgare entre dans Kavalla, l’aile droite commence son repli : l’armée serbe grimpe les pentes orientales des chaînes qui cachent la vue de la frontière et de Monastir, la dernière ca))live ; la 156e division poursuit sa course de plaine en plaine, de Kaïalar au Roudnik et du Roudnik vers Baniza ; la brigade russe monte les croupes boisées de la Neretzka qui ferme à l’Ouest les bassins ; la 57e et les deux régiments de chasseurs d’Afrique, descendant les vallées étroites, tentent de gagner Kastoria. Troublés par l’escalade des Serbes, par l’enveloppante menace de la gauche française, les Bulgares abandonnent successivement les lignes de résistance construites en hâte pour ralentir la retraite sur la chaîne basse de la Malareka, découvrent Florina, que notre infanterie occupe (17 septembre), font halte derrière la Sakouleva, taillent des créneaux dans les murs de boue sèche de Petorak. Mais le 17 septembre l’armée serbe enlève le sommet du Kaïmaktchalan : entre les pins abattus, la plaine de Monastir se découvre, tandis qu’à l’extrême gauche la petite colonne de la 57e D. I., passant par les ravins, les sentiers de chèvres, sur les crêtes occidentales, poursuit, anémiée, mais inlassable, la menace d’encerclement. Le Bulgare recule encore. Renforcé d’artillerie lourde autrichienne, il veut souffler et s’arrête : coupant la plaine de Monastir et s’accrochant aux pentes, dont les sommets sont perdus, il retrouve, le long de la frontière grecque, les tranchées dont il sortait, un mois auparavant, pour une