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à la poursuite de son débiteur qui, adroitement, se dérobe : la dame n’obtint rien et Cavalier prit le large [1].

Mais voici, pour distraire Pimpette de ce volage, Voltaire ; c’est à la Haye qu’elle le connut [2]. Voltaire, jeune, — dix-neuf ans, — spirituel audacieux, séduisant, et... malin ! Son père, « mécontent de ses fredaines, » l’avait envoyé en Hollande auprès du marquis de Chateauneuf comme « manière d’attaché d’Ambassade. »

L’intrigue du jeune Arouet et de Pimpette est connue ; on a publié leurs lettres jadis [3], du moins les lettres de Voltaire, car pour celles de Pimpette, elles sont égarées, sauf une, que M. Paul Lacroix a retrouvée.

Le roman d’Olympe du Noyer dévoilé, la mère exigea l’expulsion du coupable. Avant de le renvoyer en France, il dut garder les arrêts : mais l’ingéniosité des amants leur permit de se retrouver chaque nuit à l’insu de tous. Un soir, c’est Olympe qui va rejoindre son « cher enfant, » sous l’habit d’un jeune garçon. Le lendemain, Arouet lui écrit :

« Je ne sais si je dois vous appeler monsieur ou mademoiselle ; si vous êtes adorable en cornette, ma foi, vous êtes un aimable cavalier... vous aviez pourtant la mine aussi terrible qu’aimable ; et je crains que vous n’ayez tiré l’épée dans la rue... » et puis il rime :


Enfin je vous ai vu, charmant objet que j’aime
En cavalier déguisé en ce jour,
J’ai cru voir Vénus elle-même
Sous la figure de l’Amour... »


Il affirme que rien n’est capable de le détacher d’elle : « Notre amour est fondé sur la vertu, il durera autant que notre vie. »

  1. M. du Noyer, constamment en contradiction avec sa femme, ne raconta pas, dans ses Mémoires, les faits de la même façon. M. F. Puaux, à l’appendice des Mémoires de Cavalier, semble aussi donner raison au camisard ; il écrit : « Cavalier, s’il avait commis l’imprudence de trop s’engager, eut du moins la prudence de se retirer encore à temps. »
  2. Ce devait être en 1710, mais on n’est pas d’accord sur les dates, car Voltaire soutiendra plus tard n’avoir été en Hollande qu’en 1714, et n’avoir connu Cavalier qu’en Angleterre «n 1726. « Note d’Arnelle : Les filles de Mme du Noyer, p. 113). Mais M. Faguet écrit : « Ces choses se passaient de 1713 à 1714. » (Amours d’hommes de lettres.)
  3. Mme du Noyer, la première, publia celles de Voltaire à sa fille dans les Lettres historiques et galantes. ― sans nommer personne.