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la victoire. Il n’est pas un bulletin de la majorité sur lequel n’ait été écrit en traits invisibles ces deux mots : Alsace-Lorraine. Les sœurs retrouvées ont fait la famille apaisée. L’ordre maintenu dans le pays reconstitué, c’est la double palme dont la France a voulu saluer son gouvernement et dont elle s’est saluée elle-même.

En un mot, les élections indiquent surtout une continuation de l’esprit de guerre dans la paix. On sait que ce n’est pas fini. On sait que les grandes secousses ne sont pas apaisées, que si les luttes sanglantes sont localisées, les conflits d’intérêt, de prestige et d’honneur se prolongent ; on sait que la Conférence de la Paix n’est pas close, que le protocole reste ouvert, que nos ennemis n’ont pas désarmé, que le traité reste en l’air comme l’île de Lupata et que, s’il tombe définitivement, sa chute peut tout écraser. On sait que la France a ses plaies à panser et, en même temps, ses grands devoirs traditionnels à remplir.

La France donc ne s’est pas abandonnée ; elle continuera à remplir son devoir envers elle-même et envers les autres.

Courage, optimisme, raison, devoir, prudence, souci des grands problèmes de l’heure, avec une nuance de préoccupation, par-dessus tout du bon sens et de la réflexion, tel me parait être le sens profond des élections.


II. — LA POLITIQUE EXTÉRIEURE

L’électeur, en votant, avait, présents à l’esprit, les trois termes de notre politique extérieure : la guerre, la victoire et l’application du traité.

Jamais une Puissance victorieuse n’a été moins impérialiste que la France après la guerre de 1914-1918. Et c’est un des traits caractéristiques de la situation présente. Les peuples savent, comme ils ne l’ont jamais su, qu’ils finissent toujours par payer les fautes de leurs gouvernements, et l’opinion mise en garde ne se laisse plus griser.

Il y aurait un parallèle à faire entre l’Allemagne d’après 1871 et la France au lendemain de 1918. Les victoires trop faciles de 1866 et 1870 avaient enivré l’Allemagne : il en résulta cette mégalomanie qui devint, peu à peu, le grand péril européen.