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sagesse est l’effet d’une humeur misanthropique particulière de laquelle une femme aurait de la peine à s’accommoder. C’est un vrai malade imaginaire... Croyez-moi, ce serait un meurtre. D’ailleurs, cet homme n’a pas le sou. Est-il déjà muni de vos bijoux ? Auquel cas le mal serait sans remède, etc.. »

Voilà donc le mariage rompu..., pour peu de temps, il est vrai, car bientôt les avertissements de Pons furent oubliés, et on reprit les projets de plus belle. Cependant le fiancé faisait montre du plus méchant caractère, et ses défauts auraient dû inquiéter Mme du Noyer ou sa fille. Pour un refus que cette dernière avait fait à Constantin la veille du mariage, n’enfourcha-t-il pas son cheval de guerre en faisant mine de repartir sur l’heure pour les armées ? — et toute la famille de courir après le bidet, et de s’essouffler sur la route pour le faire revenir !... Mauvais auspices !

La mère comme la fille étaient aveugles. Pourtant la fiancée n’avait que quatorze ans, et pouvait attendre. — Mais toutes les personnes qui jouent un rôle dans cette déplorable aventure, semblent fort pressées d’en finir. — Malgré son vif désir de marier sa fille, il faut constater cependant que Mme du Noyer s’entendait fort bien à plaisanter assez rudement son futur gendre, quitte, l’instant suivant, à le couvrir de cadeaux, ou à l’enchanter de promesses.

Le jour des noces, la belle-mère vit Constantin, dans le char qui le conduisait à l’hymen, chercher son peigne de corne pour lisser sa perruque, — l’intention, excellente, fut raillée par Mme du Noyer. — « Allez ! vous devriez être charmé de perdre les cornes là ou tant d’autres les trouvent, et cela est d’un très bon augure pour vous ! »

Le souper de noces, offert par l’époux, fut chiche ; en revanche, toute la compagnie logea dans les somptueux appartements du comte de Dohna. Le soir, la mariée fit beaucoup de difficultés pour se mettre au lit. A cette occasion, la maison retentit d’un « vacarme effroyable. » Mme Constantin ne se priva pas non plus d’injurier son nouvel époux... Le lendemain, cet époux rejoignit les armées du Roi, puis jaloux, revint en toute hâte... Enfin l’on se sépara.

Hélas ! pourquoi imprudemment, avant la conclusion du mariage, Mme du Noyer avait-elle montré ses diamants à Constantin, et lui avait-elle annoncé qu’elle les destinait à sa