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sortir du royaume. Mlle Petit se disposait à en sortir en effet, quand le hasard, la providence, ou simplement quelque intervention amicale lui ménagea une entrevue qui devait décider de son avenir : chez une amie, elle rencontra M. du Noyer. On lui avait dit qu’il était laid, mais elle le trouva tout de go « très joli. »

Ce prétendant, malheureusement, était fervent catholique... mais il se dit qu’il viendrait bien à bout des résistances religieuses de la belle, « l’amour aidant. » Mlle Petit, internée dans son couvent, y recevait par ordre une instruction catholique ; M. du Noyer, amoureux, ne prétendait-il pas remplacer le moine auprès de la demoiselle, et l’exhorter de son mieux ? Il fit si bien, en effet, qu’elle s’éprit de ce prêcheur laïque. Heureux de l’aubaine, et jugeant l’heure venue, celui-ci se munit des dispenses nécessaires, d’un ordre du l Ri, assura Mlle Petit « qu’il n’en voulait pas à sa religion », et un beau jour de mai, la fit monter en carrosse avec la supérieure du couvent, « sans lui donner le temps de se reconnaître. » Lui-même suivait dans un second carrosse avec deux jésuites. On descendit à l’église Saint-Laurent où le curé les attendait.

Tout ce monde se rendit dans une salle « fort propre, » où M. du Noyer persuada à la jeune fille de l’épouser sur l’heure. « Les jésuites m’exhortaient, » dit-elle, « de me laisser conduire par le Père La Chaise, qui souhaitait cette affaire, et se chargeait de la faire approuver à mon oncle Cotton [1] dès qu’elle serait faite... » Les religieuses, de leur côté, l’embrassèrent et lui dirent : « Courage, mon enfant, c’est le plus beau jour de votre vie ! » On ne me faisait voir ni messe ni autel, j’étais jeune, M. du Noyer me disait les plus jolies choses du monde... On me fit dire que je croyais tout ce que l’Église catholique Apostolique et Romaine croyait, et après quelques mots latins, je me trouvai mariée ! »

Néanmoins, M. du Noyer n’eut pas lieu de se féliciter d’un choix aussi hâtif. Sa femme, fantasque et vaniteuse, lui rendit rapidement la vie intolérable ; il prit le parti de la tromper, mais le choix de ses maîtresses, pas plus que celui de sa femme légitime, ne fut excellent.

Un jour, Mme du Noyer soupçonna ce volage d’entretenir

  1. Mme du Noyer prétendait que cet oncle Cotton était de la famille du confesseur de Henri IV.