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national pour le changement, — l’amour du nouveau. A d’autres électeurs, d’autres représentants. L’Histoire n’est rien autre chose que la lutte entre les jeunes qui veulent arriver et les vieux qui ne veulent pas s’en aller. Or, en quels temps une telle crise est-elle plus naturelle et je dirai plus nécessaire que dans ceux que nous vivons ? Des hommes qui ont passé quatre ans dans les tranchées, des hommes qui ont souffert de graves fautes commises, de lourdes imprévoyances, de vilains abandons du devoir, de laides camaraderies et d’embusquages honteux, des gens qui ont vu à quel point ces misères invétérées encrassaient le mécanisme national, ont pris le torchon et se sont décidés à nettoyer les rouages. Sous la pluie et sous les balles, ils ont eu tout le temps de réfléchir aux raisons des choses et aux véritables responsabilités. Ayant gardé dans la vie civile quelque chose de la discipline militaire, ils ont signifié leurs volontés aux profiteurs de la paix, précurseurs et continuateurs des profiteurs de la guerre. En somme, le principal moteur de cette révolution pacifique est une saine vigueur morale. Ce vote est, d’abord, un vote honnête, émis dans une volonté de clarté, de propreté et de lumière.

Et comme conséquence logique, il est optimiste.

Depuis que la victoire a été acquise, on ne cesse de répéter à la France qu’elle est en état de crise, presque d’infériorité, à la veille de la faillite. — Qu’elle prenne garde : elle glisse dans l’abime !... A ces insinuations ou piteuses ou perfides, le corps électoral a reconnu notre vieille connaissance, la propagande défaitiste. Porter atteinte au moral du pays, c’était le but suprême pendant la guerre, — et c’est encore le but après la paix. La France a crevé d’un vigoureux coup de pied cette toile assez laidement camouflée.

Que ceux qui feignent de s’apitoyer sur elle se regardent donc eux-mêmes ! Que les pangermanistes bon teint ou mal teints mesurent notre décadence au compas de leur fameuse supériorité ! La France préfère s’en rapporter à elle-même : elle a conscience de sa force, de sa raison et de son droit. Si elle a des leçons à prendre, elle saura se les donner à elle-même. Les soldats ont tenu et les civils tiennent.

Puisqu’on insinuait que ce peuple abattu et exsangue était couché impuissant et inactif, atteint de neurasthénie dolente, bercé par la vague de paresse sur son lit de lauriers, il se lève