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entre l’Asie et Rome semblait sur le point de finir avec le triomphe complet de l’Asie ; car toutes les forces de résistance que la civilisation gréco-latine avait opposées à l’absolutisme mystique de l’Orient étaient épuisées. L’Europe allait devenir un appendice de l’Asie... Quand, tout à coup, un autre adversaire se leva, bien autrement formidable que la culture gréco-latine, et parfaitement invincible : le christianisme.

Pendant la crise du IIIe siècle, en même temps que le mithraïsme, le christianisme avait fait de grands progrès. Il s’était répandu dans tout l’Empire et dans toutes les classes ; il avait pénétré dans l’armée, dans le Sénat, dans la cour ; il avait conquis les pauvres et les riches, les ignorants et les gens cultivés ; il avait déjà fourni une production théologique abondante et profonde ; et il avait constitué une hiérarchie simple mais solide, et fondée non sur la force, comme la hiérarchie impériale, mais sur la seule autorité.

Chaque église comptait un nombreux clergé composé des Diacres, qui formaient le personnel servant, des Anciens, qui formaient le conseil de direction, et de l’Evêque qui était le chef de l’église et son directeur, avec pleins pouvoirs. L’Evêque, nommé à vie, était élu par le clergé, avec l’assentiment de l’assemblée ; il nommait les anciens et les diacres, et, à l’époque dont nous nous occupons, il était déjà un personnage considérable de la ville ; non seulement parce que les fidèles étaient nombreux mais parce que le christianisme avait déjà organisé ce merveilleux système d’œuvres d’assistance et de bienfaisance, qui fut sa plus grande création sociale et une des causes de son triomphe. Les communautés chrétiennes pourvoient partout, non seulement aux frais du culte et à l’entretien de ses ministres, mais au secours des veuves, des orphelins, des malades, des impotents, des vieillards, des gens sans travail, de ceux qui ont été condamnés pour la cause de Dieu ; elles s’occupent de racheter les prisonniers emmenés par les Barbares, de fonder des églises, de prendre soin des esclaves, d’ensevelir les pauvres, d’hospitaliser les coreligionnaires étrangers, de recueillir des subventions pour les communautés pauvres et menacées. Les biens, que possèdent les communautés chrétiennes, proviennent en grande partie de dons faits par les riches, dont beaucoup, soit de leur vivant, soit après leur mort, laissaient à l’Église une partie ou la totalité de leur