Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/827

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réussit pas mieux que la précédente. Bien que Probus ait été un général très capable, il tomba victime, lui aussi, de la violence implacable des légions ; et ce fut de nouveau l’anarchie. Les légions élurent alors M. Aurèle Carus qui se hâta de donner le titre de César à ses deux fils, Carin et Numérien, et se mit immédiatement à faire la guerre à la Perse. Il avait déjà occupé Séleucie et Ctésiphon, quand à la fin de 283, il périt frappé par la foudre, selon les uns, et selon d’autres tué par une conjuration militaire. Numérien, qui l’avait accompagné, était un poète incapable de commander l’armée dans une aussi difficile entreprise. Le retour fut donc décidé. Mais en route Numérien aussi mourut. On accusa alors ouvertement le préfet du prétoire. Une enquête fut ordonnée et confiée à un tribunal de généraux qui élut empereur, le 17 septembre 284, le commandant de la garde du corps : Dioclétien.


IV

Dioclétien est, après Claude et Aurélien, le troisième des grands hommes issus du chaos barbare du IIIe siècle. C’est lui qui reprit résolument le plan d’Aurélien, arrêté par la dernière réaction du vieil esprit romain et sénatorial : faire de l’empire romain un empire asiatique aux mains d’un souverain absolu, qui apparaisse à ses sujets comme une incarnation de la divinité. Nous verrons une autre fois comment il essaya de réaliser ce grand dessein et à quoi il aboutit. Pour le moment, nous nous bornons à observer que la transformation de l’empire en une monarchie asiatique et la divinisation du souverain, tentée par Aurélien et reprise par Dioclétien, étaient les seuls moyens auxquels pût alors recourir l’État pour rétablir, dans le chaos où il se débattait, un principe de légitimité pouvant remplacer l’autorité du Sénat. Toutes les conditions de succès semblaient alors exister. Les traditions gréco-romaines étaient trop affaiblies pour pouvoir opposer une plus longue résistance. La reconstitution d’un gouvernement qui ne disposât pas seulement de la force mais aussi d’une autorité morale s’imposait à l’Empire, comme une question de vie ou de mort. Il n’y avait pas, dans tout le monde civilisé, alors connu par les Grecs et par les Romains, d’autre principe d’autorité qui pût être adopté par l’Empire croulant. Le long duel entre l’Asie et la Grèce,