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comme excessif à l’époque de Néron, devient l’intérêt mensuel. A la crise de l’agriculture et de l’industrie s’ajoute la crise du commerce. L’insécurité générale, la difficulté des communications, le risque plus grand et les prix plus élevés des voyages, les restrictions imposées par la pauvreté croissante, tout avait ralenti l’activité commerciale au IIIe siècle. Les petites et les moyennes fortunes disparaissent et au milieu de la misère croissante les richesses se concentrent en peu de mains. Les petites villes sont abandonnées et se dépeuplent. Dans les grandes, au contraire, la population s’accumule et on voit augmenter démesurément le nombre des misérables qui, sous une forme quelconque de mendicité, vivent aux crochets des riches ou de l’État. L’État devient la providence et le tourment de tout le monde. Son fiscalisme, imposé par l’incessante multiplication de la bureaucratie, par la mendicité des masses, par l’augmentation des dépenses militaires, est atroce et implacable. Les impôts deviennent innombrables et leur poids écrasant est encore accru par la politique monétaire. En partie pour remédier à la rareté croissante de l’or, en partie pour faire face aux dépenses de guerre et aux autres dépenses publiques sans trop augmenter les impôts, les empereurs altèrent le poids et l’alliage des monnaies. Sous Caracalla le poids de l’aureus était descendu à 6 gr. 55, mais après Alexandre Sévère, il devient si irrégulier que les paiements en or ne se font plus qu’au poids. Pour la monnaie d’argent, c’est encore pire. Les proportions de l’alliage du denarius et de l’antonianus argenteus, émis pour la première fois par Caracalla, avaient déjà augmenté démesurément dès les années qui avaient immédiatement suivi la mort d’Alexandre Sévère. Mais l’antonianus n’a plus, sous l’empereur Claude le gothique, que 4 ou 5 pour 100 d’argent ! Il ne se distingue de la monnaie de cuivre que par la couleur que lui donne un bain d’argent ou, au besoin, d’étain. Même les monnaies de bronze sont émises à poids réduit. D’où une vertigineuse augmentation et une irrégularité folle des prix, qui réduit au désespoir les malheureuses populations, et contre laquelle les empereurs chercheront en vain à lutter à coups d’édits. D’où un continuel appauvrissement des classes les plus nombreuses et les moins riches, encore aggravé pour les malheureux sujets par l’ordre que donnent plusieurs empereurs de percevoir les impôts en or. L’État