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qu’il est, Philippe s’adresse au Sénat pour se faire valider, espérant ainsi donner à son autorité un caractère de légitimité qui manque à celle de ses concurrents. Et le Sénat se résigne à le reconnaître, préférant avoir à Rome un empereur qui, bien qu’élu par une sédition, cherche du moins à être confirmé par lui. Mais c’est en vain que les hommes ont recours dans le besoin aux principes d’autorité, qu’ils ont affaiblis pour satisfaire leurs ambitions. Pendant que Philippe cherchait à consolider sa position en Italie en se rapprochant du Sénat, les Goths envahissaient de nouveau l’Empire ; et les légions du Danube, mécontentes de voir l’Empereur rester en Italie quand les frontières de l’Empire étaient violées par les Barbares, annulèrent les décrets du Sénat et saluèrent empereur le gouverneur de la Dacie et de la Mœsie, Dèce. Une nouvelle guerre civile éclata. Dèce vint en Italie, battit Philippe à Vérone et le tua ; puis il repassa les Alpes pour aller combattre les Goths. Mais sans grand résultat, car en 251 il mourait sur le champ de bataille. C’était le premier des empereurs romains qui mourait en combattant les Barbares. Et il est facile d’imaginer l’impression que devait produire cet événement ! Les légions, qui désormais croyaient pouvoir disposer de l’Empire, s’empressèrent de proclamer le gouverneur de la Mœsie, Trébonien Galle. Mais Trébonien, lui aussi, au lieu de combattre les Goths, préféra traiter et acheter la paix argent comptant. Alors les légions se révoltèrent encore et appelèrent à l’empire le gouverneur qui lui avait succédé en Mœsie, Emilien. Une nouvelle guerre civile s’ensuivit, où Trébonien fut défait. Et de nouveau l’autorité du Sénat fut invoquée pour donner au nouvel Empereur un caractère légitime, propre à le fortifier dans son gouvernement. Le Sénat reconnut Emilien ; mais à peine reconnu, ses légions, pour des raisons qu’on ignore, se révoltèrent, le massacrèrent et saluèrent empereur Valérien (253).

Dix-huit ans s’étaient écoulés depuis la mort d’Alexandre Sévère : dix-huit années de séditions continuelles. L’autorité du Sénat était détruite, et avec elle la pierre angulaire de la légalité. Toute règle et tout principe fixe écartés pour l’élection de l’Empereur, l’élection livrée aux caprices des légions, la force capable de maintenir l’ordre n’existait plus. Les révoltes militaires se multipliaient, stimulées par l’émulation, par la