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tout au moins, l’autorité du Sénat : avec Maximin, c’est la rupture nette. La force reniait le seul principe d’autorité qui pouvait la justifier, et affirmait sa volonté de trouver en soi-même les titres nécessaires à l’exercice du pouvoir.

Maximin ne se préoccupa, en effet, que d’avoir l’appui des légions : il ne rechercha même pas la validation du Sénat, et gouverna comme si celui-ci n’existait pas. Tout affaibli et déprimé qu’il fût, le Sénat ne l’était cependant pas au point de supporter sans réagir une pareille humiliation de la part d’un Thrace. Ce qui se passa alors à Rome n’est pas bien connu : on ne peut que le déduire à grand’peine des informations fragmentaires qui sont parvenues jusqu’à nous. Ce qui est certain, c’est que le Sénat nomma deux empereurs : Pupien et Balbin, le premier un soldat de grande valeur qui, parti de rien, était arrivé aux plus hauts grades ; le second, un sénateur d’intelligence médiocre, mais très estimé, et de haute lignée. Le mérite personnel et la noblesse de race étaient donc appelés par le Sénat à prêter ensemble leur appui à son autorité expirante. Un principe de légitimité a toujours besoin de la force pour se faire respecter ; mais il n’est pas dit que si ce principe et cette force entrent en conflit, ce soit toujours le premier qui doive fatalement succomber. En se révoltant contre le principe d’autorité dont elle ne devrait être que l’instrument, la force parfois s’affaiblit. Ainsi en fut-il alors. Les deux empereurs réussirent, avec l’aide du Sénat, à constituer un gouvernement qui réussit à se faire reconnaître comme le gouvernement légitime par un certain nombre de provinces et qui organisa une armée contre l’usurpateur. Maximin ne tarda pas à comprendre que si le gouvernement de Rome se consolidait, il pourrait devenir dangereux pour son pouvoir, qui ne s’appuyait que sur la faveur d’un certain nombre de légions. Il projeta de l’abattre ; il vint avec son armée en Italie et mit le siège devant Aquilée qui lui barrait le chemin. Mais en Italie toute la population était favorable au Sénat et contraire à l’usurpateur ; et au contact du respect universel, inspiré par l’institution qui représentait la légalité, la fidélité des légions commença d’être ébranlée. La résistance obstinée d’Aquilée acheva l’œuvre ; et au printemps de 238, Maximin fut assassiné sous les murs d’Aquilée par les mêmes soldats qui l’avaient porté au pouvoir.

Le Sénat, Rome, l’Italie et la légalité avaient triomphé des