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doit avoir une politique rhénane, ou plutôt une politique allemande. La France de 1871, vaincue et mutilée, repliée derrière les Vosges, pouvait rester, en face de l’Allemagne, dans une attitude de réserve et d’expectative ; victime de la force, elle attendait l’heure de la justice. Mais la France de 1920, la France victorieuse, revenue sur le Rhin, n’est pas libre de ne pas avoir en Allemagne une politique active. Alsace oblige. Cette politique a été très heureusement définie, à la Chambre et au Sénat, par plusieurs orateurs, notamment par M. Maurice Barrès qui s’est trouvé d’accord sur les points essentiels avec M. Albert Thomas ; elle a été approuvée par la presque unanimité du Parlement ; elle se formule d’un mot, chargé de sens et d’histoire : c’est la défense des libertés germaniques.

Les bords du Rhin, dont la rive gauche tout entière et la rive droite jusqu’à 50 kilomètres sont interdites par le traité de Versailles aux troupes du Reich allemand, peuvent devenir comme un champ d’expérience où la civilisation occidentale, représentée surtout par la France et la Belgique, viendra se mesurer, dans une concurrence pacifique, à la civilisation allemande. Les populations rhénanes reprendront ainsi leur grand rôle historique et retrouveront leur personnalité nationale. La France, d’accord avec ses alliés, peut et doit les y aider. Nous n’avons pas à dire par quels moyens d’ordre économique, politique et moral elle peut y parvenir. En décrivant la naissance et le développement, dans la région rhénane, d’un mouvement autonomiste, nous avons essayé d’établir la légitimité et la nécessité d’une telle politique dans l’intérêt de la France, de l’Allemagne elle-même et de l’humanité. Le traité de paix est entré en vigueur. La Société des Nations et les gouvernements sont saisis des notifications et des demandes pressantes des Rhénans auxquelles il va falloir enfin donner une réponse. La paix de l’avenir dépend de la solution que les Alliés sauront donner à la question d’Occident.


RENE PINON.