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de plus en plus précises vers l’indépendance et la liberté.

Ce peuple, qui se réclame du principe des nationalités, a le droit d’être entendu au moment où s’édifie une Europe nouvelle fondée sur le respect de ce principe même ; il ne prétend pas se dissocier d’avec les autres rameaux du grand arbre germanique, mais il réclame le droit de se gouverner lui-même, de n’être plus entraîné dans une guerre, pour des intérêts ou des querelles qui lui sont étrangers, contre un peuple qui a eu sur son développement national et sur sa civilisation une influence séculaire et bienfaisante. Gardons-nous, avec notre esprit latin toujours porté à généraliser et à simplifier, de juger les autres pays d’après le nôtre. La nationalité française, adéquatement réalisée dans la nation française, est la plus ancienne, la plus unifiée, la plus cohérente de l’Europe. Nous portons en nous, comme un héritage de la Rome des Césars et de la Rome des Papes, la notion, le culte de l’unité. Il n’en va pas de même des autres nations. Le. peuple anglais, dont la conscience nationale est, avec la nôtre, la plus ancienne, n’a-t-il pas une Irlande qui le hait, voire un Pays de Galles et une Ecosse qui ne veulent pas être confondus avec l’Angleterre ? Le ciment de l’unité italienne est encore tout frais. L’Espagne est travaillée par le particularisme provincial. La guerre et la révolution ont disloqué la Russie. L’histoire de la France est celle de son unité ; depuis ses origines, elle est en marche vers l’unification et la centralisation ; ses traditions sont toutes de concentration, de fusion. Tout opposée est la loi du développement des pays allemands ; elle est faite de particularisme, d’autonomies municipales, régionales, de fédéralisme. L’Allemagne a acclamé Luther parce qu’il défendait l’indépendance des princes et des villes contre le Pape et l’Empereur. L’unité allemande a été imposée par le canon et les baïonnettes ; elle est l’œuvre des Prussiens dont le sang n’est guère allemand ; c’est la conquête prussienne qui a brisé les particularismes historiques, foulé aux pieds le droit des peuples et prétendu ramener l’esprit allemand au niveau peu élevé de la mentalité prussienne en obligeant l’Allemagne à entrer dans l’armature étroite et rigide du caporalisme et du fonctionnarisme prussiens. Mais, sous la chape de plomb, l’âme historique de l’Allemagne a survécu ; elle réapparaît aujourd’hui dans sa pluralité, dans sa variété ; elle tend à revenir à la loi de son évolution