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prussienne, plus de directions néfastes venues de Berlin ; formation d’un certain nombre d’Etats allemands égaux entre eux, jouissant d’une autonomie très complète et constituant une fédération.

Ainsi se précise et mûrit la question du Rhin ; elle est liée aujourd’hui à tout le problème de la constitution nouvelle de l’Allemagne. Partout des partis autonomistes et fédéralistes puissants s’organisent ; ils ne sont pas toujours entièrement d’accord sur le but final à atteindre : il y a plus que des nuances entre la conception de M. Trimborn qui ne dépasse guère l’autonomie administrative, et celle du groupe du docteur Dorten qui veut une fédération d’Etats jouissant d’une très large autonomie, ou encore celle du parti populaire bavarois, ou enfin la conception socialiste hessoise de M. Ulrich qui admettrait une fédération plus centralisée sans qu’aucun des Etats puisse exercer une prépondérance sur les autres. Mais les représentants de ces différentes conceptions sont tous d’accord que le premier stade doit être : plus d’hégémonie prussienne. Par une étrange ironie de l’histoire, c’est le parti social-démocrate qui reprend à son compte la politique unitaire et centraliste, la politique de conquête en Allemagne et hors d’Allemagne que conduisit autrefois son grand adversaire Bismarck.


VII

Que de fois, avant la guerre, n’avons-nous pas entendu dire par des gens qui avaient séjourné en Alsace-Lorraine et qui se croyaient bien renseignés : « la germanisation fait de grands progrès ; il reste bien peu de choses du sentiment français.... » Or, il restait tout ; la germanisation, depuis dix ans, n’avait fait que reculer. Quand on se représente tout ce que la Prusse a fait, depuis 1815, pour prussianiser les pays du Rhin, aux fonctionnaires qu’elle y a envoyés, aux écoles, aux universités, aux casernes qu’elle y a multipliées et où le cerveau malléable des indigènes devait recevoir l’empreinte indélébile, au prestige que donnent la victoire et la prospérité matérielle, à cet étau prussien qui comprimait les âmes dans une doctrine d’État comme il sanglait les corps dans un uniforme, on est stupéfait de retrouver si vivant le caractère original des populations indigènes et de le voir se manifester par des aspirations