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l’idée d’une république autonome et, par là, à fortifier le mouvement antiprussien.

Une indication intéressante est donnée, au milieu de juin, par l’élection du nouveau Conseil provincial (Landesausschuss) de Birkenfeld ; les représentants du parti paysan y dominent. A sa première réunion le Conseil déclare, à l’unanimité de ses vingt-cinq membres, vouloir la séparation d’avec le Oldenbourg, et, à la question : « Accepteriez-vous d’être réunis à une république rhénane, si elle existait ? » vingt-trois voix répondent : « Oui. »

L’acte du docteur Dorten avait eu le mérite de poser la question et de mettre une population trop moutonnière en face de ses responsabilités. Les chefs des différents partis s’étaient abstenus en général d’adhérer au mouvement ; mais on s’aperçut, dans les semaines qui suivirent le coup de théâtre du 1er juin, que les cadres des anciens partis se disloquaient pour ne plus laisser face à face que deux tendances : autonomistes et unitaristes, et que, si les chefs se récusaient, les masses se ralliaient d’instinct au parti de l’autonomie. Une pétition pour demander un plébiscite immédiat se couvrit rapidement de 1 200 000 signatures. La Kölnische Volkszeitung reprit sa campagne séparatiste. Le mouvement, parti du Rhin, se répandait dans les Etats du Sud et dans les provinces prussiennes de l’Ouest. Le temps est désormais passé où les réunions où l’on parlait d’autonomie, de république rhénane, prenaient des airs de complot ; la presse en discute ouvertement ; les organes du gouvernement négocient à ce sujet avec les partis et les grandes associations. Ainsi l’initiative du docteur Dorten a rendu un double service : elle a porté la question sur la place publique et elle a mis en relief l’impartialité des chefs militaires français et alliés. Le sentiment dominant apparaît de. plus en plus : maintien d’une unité allemande fédérative composée d’Etats autonomes, dislocation de la Prusse et fin de sa suprématie.

De toutes leurs forces encore considérables, le gouvernement du Reich et le gouvernement prussien résistent à ce puissant courant : à l’idée d’une fédération des grandes régions naturelles et historiques de l’Allemagne, il oppose l’octroi d’une certaine autonomie administrative aux provinces [1],

  1. La Gazette de Francfort du 13 juillet, matin, donne les détails du projet.