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La menace ne resta pas sans effet. Une partie des députés du Centre, sous l’influence d’Erzberger, désavouèrent leurs deux collègues qui durent donner leur démission et quitter l’Assemblée nationale. Mais dans la province rhénane, l’attitude du gouvernement eut pour résultat de décider les partisans de l’autonomie à couper les ponts et à proclamer la République rhénane. Ils ne s’engageaient qu’à regret dans cette voie révolutionnaire, mais l’hostilité de Berlin et la mauvaise volonté de Cologne les y poussaient. Un projet définitif fut mis sur pied le 17 mai. Il s’agissait de former, dans le cadre du Reich, un État englobant la Province rhénane, la Hesse, Birkenfeld, le Palatinat et une grande partie du Nassau, soit environ douze millions d’habitants ; cet Etal invoquerait la protection de la Société des Nations et réclamerait, dans le gouvernement du Reich, le droit d’opposer son veto à toute mesure susceptible d’entraîner une guerre dont son territoire serait nécessairement le champ de bataille. On comptait que le mouvement trouverait un écho en Bavière et en Hanovre.

Mais, au dernier moment, la proclamation rencontra des difficultés d’où les comités rhénans ne s’attendaient pas à en voir venir. Le Comité, réuni le 22 mai, à Coblenlz, se heurta au refus de l’autorité américaine occupante, d’autoriser la proclamation. A Aix-la-Chapelle, les autorités belges opposèrent le même refus. Les puissances alliées qui auraient eu tout avantage à concerter entre elles une commune attitude en face du mouvement rhénan, semblaient surprises par l’événement. C’est alors que le Dr Dorten résolut d’agir seul. Le comité rhénan « comités d’Aix-la-Chapelle, Bonn, Clèves, Crefeld, Gladbach, Neuss, Trêves) et les comités Hessois-Nassovien et Palatin firent afficher, le 1er juin, à Aix-la-Chapelle, Mayence, Wiesbaden et Spire, une proclamation ainsi conçue :


AU PEUPLE RHÉNAN

Le moment est venu de contribuer nous aussi à l’établissement de la paix des peuples.

Le peuple rhénan demande à être entendu en cette heure d’angoisse dans laquelle son sort se décide.

Toute influence extérieure doit céder devant cette décision inébranlable, née du principe universellement reconnu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.