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avions espéré que nous tiendrions d’elle la liberté à laquelle nous aspirions et à laquelle elle nous avait habitués. Mais après 71 nous avons désespéré et les esprits se sont tournés ailleurs... Le moment est venu de formuler nos aspirations et de revendiquer nos droits. C’est le moment d’agir, faute de quoi nous sommes perdus à jamais... Nous avions escompté un régime analogue à celui de la Sarre, qui nous aurait permis de nous organiser sous l’égide de la France... Nous paierons notre quote-quart de la dette... Craignant le retour des Prussiens en 1929, personne d’ici-là n’osera parler, ni se laisser ostensiblement gagner par l’influence française... La Prusse socialiste est plus dangereuse que la Prusse monarchiste... »

Pour qu’un bourgmestre important, un personnage officiel, ose tenir un pareil langage, il faut que le courant soit bien fort et bien vives les espérances.

En mai, le mouvement se précipite. Puisque le traité n’apporte pas aux Rhénans le moyen de se libérer, il faut qu’ils s’organisent pour se libérer eux-mêmes. La Kölnische Volkszeitung, le grand organe démocratique du Centre, accentue la campagne. « Nos efforts seront couronnés de succès, » écrit-elle le 25. Au commencement du mois, le docteur Dorten est admis à exposer au général Mangin, commandant la Xe armée à Mayence, les avantages de la formation d’une République rhénane autonome, mais fédérée avec les autres Etats allemands. Le 17 mai, le général reçoit une délégation des Comités d’Aix-la-Chapelle et de Nassau-Hesse Rhénane, ayant à sa tête deux députés du Centre, MM. Kastert et Kuckhof. Ils avaient pris soin d’aviser le gouvernement du Reich de leur démarche et ils s’y rendirent aussitôt après à Berlin pour exposer au ministre Scheidemann la situation et l’avertir qu’avec ou sans l’autorisation du gouvernement, la République rhénane se ferait. Le ministère publia les communications confidentielles des deux délégués dans les journaux socialistes, en les écourtant et les falsifiant, en même temps qu’il faisait annoncer par l’agence Wolff qu’il ignorait complètement l’affaire ; enfin il rédigea un acte, signé par tous les ministres, qui déclarait que les fauteurs du mouvement rhénan étaient coupables du crime de haute-trahison et pouvaient être poursuivis comme tels en vertu de l’article 81 du code pénal et condamnés aux travaux forcés à perpétuité.