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à l’Allemagne, 20 pour 100, indifférents 10 pour 100. Dans la région de Trêves, parmi les paysans des plateaux où le type germanique est rare, les sentiments particularistes, étouffés par l’oppression prussienne et la prospérité matérielle, se réveillent. Dans le Hunsrück, un nouveau parti rural se forme vers la fin d’avril et mène la campagne dans l’enclave de Birkenfeld. Un fait presque général, c’est la disparition de tout sentiment d’attachement à la famille impériale déchue ; au contraire, reparaissent les souvenirs du temps où Napoléon apportait aux Rhénans la gloire avec la liberté et l’égalité. Les cérémonies, présidées par des généraux français, dans plusieurs localités de la Prusse rhénane, de la Hesse et du Palatinat, à la mémoire des vieux braves du pays ayant servi sous les drapeaux de la première République et de l’Empereur, ont toujours attiré une assistance sympathique ; les familles ne manquaient jamais d’exhiber fièrement des médailles de Sainte-Hélène, des croix de la Légion d’honneur pieusement conservées. En avril, à Worstadt, à une de ces solennités commémoratives, on entendit un fonctionnaire allemand, représentant les familles des anciens soldats, s’écrier : « C’est de ce jour que la liberté nous est donnée ! » La résistance se groupe tantôt autour d’un instituteur, d’un industriel, d’un pasteur, plus rarement d’un curé. A Worms, c’est un magnat de l’industrie, un pangermaniste, qui mène la lutte. Mais d’une façon générale, tous les Rhénans indigènes sont autonomistes. C’est antérieurement à la remise du traité de paix que le général Mangin entendit de la bouche d’un bourgmestre d’une ville rhénane un courageux langage qui résume parfaitement ces aspirations. En voici la substance :

« Nous ne sommes pas Prussiens ; les habitants de la rive gauche, Gaulois d’origine, n’ont jamais été absorbés par la Prusse. Celle-ci n’a déversé dans le pays que des fonctionnaires, des professeurs, quelques rentiers, mais les paysans, les petits bourgeois sont restés à l’abri de tout mélange. Le Rhénan a connu une ère de liberté et de prospérité sous la première République et le premier Empire. Les traités de Vienne nous ont rattachés à la Prusse, mais celle-ci s’est contentée de nous exploiter, sans nous apporter les mêmes avantages ; elle nous a traités en serfs plutôt qu’en citoyens libres... La Prusse ne sait pas s’attacher les populations ; c’est au contraire le propre de la France. Nous l’avons attendue de 1815 à 1870 ; nous