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socialistes restèrent indifférentes ; une partie se réclamèrent des socialistes indépendants ; d’autres, notamment en Hesse, se rallièrent au mouvement d’autonomie rhénane. Erzberger réussit encore moins, nous le verrons, à entraîner le Centre rhénan et les masses ouvrières et paysannes qui suivent ses directions.

La plus redoutable des armes dont disposât le gouvernement de Berlin, c’était la solide hiérarchie des fonctionnaires prussiens, des instituteurs, des gendarmes ; le gouvernement Scheidemann-Erzberger s’en servit pour intimider les populations. La plupart des fonctionnaires, en Prusse rhénane, surtout sur la rive gauche du Rhin, ne sont pas des indigènes, ils viennent de la rive droite et souvent des provinces les plus lointaines ; au milieu de cette population catholique, tranquille, douce et gaie, de petits propriétaires, de vignerons, de bourgeois, habitués à souffrir depuis longtemps une domination étrangère, ces prussiens sont haïs, mais craints et écoutés. Ils s’acquittent avec zèle du rôle qui leur est assigné par Berlin, et quand ils se distinguent par leur ardeur et leur brutalité, ils reçoivent de l’avancement, surtout si, lassant la patience des autorités d’occupation, ils ont mérité l’expulsion. Ces cadres bureaucratiques, administratifs, judiciaires, policiers, organisés et stylés à la « prussienne, constituent l’armature par laquelle Berlin se flatte d’empêcher les populations rhénanes de revendiquer leurs droits et d’exprimer leurs vœux, dont le plus ardent serait d’être débarrassés de cette engeance prussienne.

Les socialistes de Berlin essayèrent aussi d’utiliser les revendications ouvrières pour refréner les tendances séparatistes et jeter le discrédit sur les autorités militaires alliées. Les grèves de la Sarre, en avril 1919, en fournirent la preuve : commencées pour soutenir des revendications professionnelles, elles ne tardèrent pas à prendre un caractère politique et anti-français ; des ouvriers mineurs révolutionnaires venus de la rive droite du Rhin servaient d’agents propagandistes ; les ingénieurs prussiens, loin d’employer leur influence à calmer l’effervescence, cherchaient visiblement à provoquer un conflit sanglant. Au moment où la Conférence de Paris discutait la question de la Sarre, il s’agissait de rendre odieuses les autorités et les troupes d’occupation. Quelques expulsions de meneurs, en tout 220, dont celle du président de la Chambre