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hommes politiques allemands et qui entraînait le Centre catholique lui-même, avait pénétré jusque parmi ces populations paisibles de petits propriétaires, de vignerons, d’ouvriers ; ils se crurent, eux aussi, appelés par le Vieux-Dieu à donner de nouvelles lois à la terre et à y faire régner par la force l’ordre germanique ; la grande fièvre de la guerre avait obnubilé toute autre idée.

Mais la catastrophe est venue. La révélation brusque de la défaite, la fuite éperdue des souverains et des princes, les fureurs révolutionnaires de Berlin, déchaînèrent chez les Rhénans et les Allemands du Sud, qui ont conscience d’être plus civilisés que « les demi-Slaves de la Prusse et de Berlin [1], » une tempête d’indignation et réveillèrent les vieux sentiments particularistes. Ils osèrent regarder jusqu’au fond du gouffre où les entraînait la folie des Hohenzollern. La seule excuse de l’hégémonie prussienne, n’était-ce pas le succès ? Le besoin d’ordre se traduisit par le progrès du séparatisme : « Los von Berlin ! Séparons-nous de Berlin ! » L’ordre sans violence qu’établissaient les troupes victorieuses qui occupèrent la rive gauche du Rhin et les têtes de pont, faisait ressortir par contraste toute l’horreur de l’anarchie spartakiste qui étreignait l’Empire. Si la révolution bavaroise, dirigée par Kurt Eisner, eut un caractère nettement autonomiste, les social-démocrates des pays rhénans, en majorité, au contraire, sous l’inspiration du gouvernement de Berlin, se posèrent en adversaires du mouvement séparatiste ; ils accusaient les « patrons » et les « capitalistes » de pactiser avec les Français et de trahir la République allemande avec la complicité du cardinal Hartmann et du Centre [2].

La première manifestation autonomiste fut la réunion populaire tenue à Cologne le 4 décembre 1918. Cinq mille citoyens y acclamèrent, à l’unanimité moins deux voix, un ordre du jour qui invitait « les représentants officiels du peuple rhénan et westphalien à proclamer le plus tôt possible la fondation d’une république rhénano-westphalienne dans le cadre de l’Allemagne, « et qui se terminait par : « Vive la liberté rhénane ! » La réunion fut-suivie de la fondation d’une « Ligue pour la

  1. Deutsches Volksblatt, 16 juin 1919.
  2. M. Thyssen, le grand industriel, fut même arrêté dans les premiers jours de décembre 1918, conduit à Berlin et relâché.