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II

Les traités de 1815, retouchés par la conquête prussienne en 1866, répartissent les régions du Rhin moyen entre plusieurs Etats. Ce sont d’abord, sur la rive gauche, l’ancien Palatinat devenu, depuis 1815, une dépendance de la Bavière dont il est séparé par la partie Nord du grand-duché de Bade et du Wurtemberg et par la Hesse. Vient ensuite, à cheval sur le Rhin, la Hesse, avec sa capitale Darmstadt et sa grande ville rhénane, Mayence ; un autre morceau de Hesse, dont le centre est Giessen, se trouve complètement séparé du noyau principal : . ainsi le voulut la Prusse, qui s’est annexé l’ancienne ville impériale de Francfort et le Nassau. A partir du confluent du Main pour la rive droite et de Bingen pour la rive gauche, le Rhin coule à travers la province rhénane, qui s’étend jusqu’aux frontières de la Lorraine, du Luxembourg, de la Belgique et de la Hollande, et qui, sur la rive droite, confine à la Westphalie. Cette belle contrée rhénane et mosellane est partie intégrante de la Prusse par décision des plénipotentiaires de 1815, peu soucieux du droit des peuples et de leurs préférences. Une seule petite enclave s’y rencontre, la principauté de Birkenfeld, dont le hasard des héritages a fait une dépendance du lointain Oldenbourg. Mais ces populations n’ont pas oublié que leurs ancêtres vivaient tranquilles sous l’autorité patriarcale de dynasties nationales, telles que la maison de Nassau, ou sous la houlette pastorale des Electeurs archevêques de Cologne et de Trêves, et qu’ils n’ont pas accepté sans regrets de devenir sujets des Hohenzollern.

La grande majorité des populations rhénanes est catholique : les protestants sont à peu près à égalité dans le Palatinat, qui dépend de la catholique Bavière. Mais, sous quelque régime que le hasard des traités les ait placés, et à quelque religion qu’ils appartiennent, les Rhénans ont entre eux des affinités plus fortes que les fantaisies des diplomates ou les convenances des souverains. Pendant la guerre, ils ont été, en proie à l’extraordinaire vertige qui a fait perdre à tout le peuple allemand le sens des réalités et la possibilité même d’un jugement objectif : l’évangile d’impérialisme pangermanique que prêchaient les professeurs, les militaires, les