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du peuple allemand, le Parlement de Francfort ; c’est Bismarck qui a forgé l’unité et l’Empire par le fer et le feu, sur l’enclume autrichienne et française, au profit du roi de Prusse. Pour les régions de l’Ouest et du Sud, l’unité s’est accomplie par voie de conquête prussienne. Ce souvenir n’est que l’un des éléments de l’opposition si caractérisée qui met aux prises l’Allemagne de l’Ouest, l’Allemagne nouvelle, l’Allemagne des usines, du commerce, de la navigation, de la petite propriété rurale, des riches « capitaines d’industrie » et du nombreux prolétariat urbain, et l’Allemagne de l’Est, prussienne ou prussianisée, l’Allemagne des hobereaux, des grands domaines, des majorats, des agrariens, du suffrage de classe archaïque et féodal. Cette antithèse, dans les années qui ont précédé la guerre, s’est manifestée par des crises aiguës que nous ne pouvons que rappeler [1] : elles ont été certainement l’une des raisons qui ont déterminé Guillaume II à opter pour la guerre, comme exutoire à une situation sans issue.

Le conflit n’a pas disparu avec l’Empire, car le contraste n’est pas seulement politique, il est historique et social ; ses racines plongent dans le plus lointain passé germanique. Si la Prusse a trouvé des complicités dans les région de l’Ouest et du Sud, elle n’a pas recueilli l’adhésion spontanée et cordiale de la masse des populations. La gloire militaire, la puissance politique et surtout l’enrichissement de l’Allemagne sous les Hohenzollern ont rallié les suffrages de tous les Allemands ; mais ceux de l’Ouest, fidèles aux traditions de 1813 et de 1848, n’ont jamais supporté qu’en maugréant le caporalisme politique des Prussiens. Les élections de 1912, les dernières d’avant la guerre, ont donné aux social-démocrates plus de quatre millions de voix, qui n’étaient pas toutes, tant s’en faut, des suffrages socialistes, mais qui exprimaient le mécontentement des ouvriers et de la classe moyenne à l’égard d’un régime politique incompatible avec l’état social et économique de l’Allemagne démocratique. Le Centre catholique, puissant surtout dans l’Ouest et en Bavière, et les partie libéraux inscrivaient eux aussi dans leur programme une réforme profonde de la Constitution et des mœurs politiques.

Après la défaite désarmées allemandes entraînant la débâcle

  1. Voyez le beau livre de M. Henri Moysset, L’Esprit public en Allemagne vingt ans après Bismarck, 1 vol. in-8o ; (Alcan).