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LE RHIN LIBRE

Au moment où le traité de Versailles vient enfin d’entrer en vigueur, il n’est pas de problème qui intéresse davantage la France, l’Europe et la paix universelle que l’avenir des pays rhénans. Depuis l’armistice, un courant d’opinion autonomiste et fédéraliste très puissant s’est prononcé sur les deux rives du Rhin ; il s’étend aujourd’hui à toute l’Allemagne du Sud et de l’Ouest. Comment est né et s’est développé ce mouvement, quelle en est la portée et quel en est l’esprit, quelle a été envers lui et quelle devrait être à l’avenir l’attitude des Alliés, et spécialement celle de la France, c’est ce que nous voudrions examiner ici.


I

Au Landtag de Prusse, durant le débat fameux de février-mars 1910 sur la réforme électorale, un orateur conservateur, M. de Richthofen, ayant affirmé que « la Prusse est devenue la puissance dirigeante de l’Allemagne, » on entendit sur les bancs social-démocrates une voix qui criait : « Hélas ! » Ce fut un beau tapage !

L’interruption blasphématoire du député Hirsch résume tout le conflit intérieur qui divisait l’Allemagne d’avant la guerre et qui n’était lui-même que l’aboutissement d’une longue histoire ; car l’Empire n’a pas été fondé par la fédération libre et spontanée de plusieurs États égaux en droits, mais par l’adhésion forcée de plusieurs États moins forts à la volonté armée d’un État dominant, la Prusse. Frédéric-Guillaume IV, en 1849, a refusé la couronne impériale que lui offrait, au nom