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et le vœu de M. Clemenceau. La Chambre connaît tous ces faits : mais elle n’a pas voulu laisser passer, sans souligner son impression, la composition d’un Cabinet qui ne répond pas exactement à ce qu’elle souhaite. Pour elle, le défaut du nouveau ministère est de contenir quelques radicaux-socialistes qui évoquent une politique condamnée et de ne pas se trouver l’image assez fidèle de la majorité du nouveau Parlement. Une Assemblée jeune et ardente, qui a montré déjà au Congrès qu’elle savait ce qu’elle voulait, et qui entend réformer les mœurs publiques a manifesté avec quelque énergie ses préférences : c’est un événement à retenir et qui, venant après d’autres, prouve l’indépendance et la vitalité de l’esprit public.

Il est possible que la Chambre, après avoir donné son opinion avec une rigoureuse franchise, ne veuille pas insister davantage et comprenne la nécessité d’accorder à M. Millerand une confiance plus large quand il s’agira du programme du travail. Sans doute la composition du Cabinet méritait l’attention de la Chambre. Mais la déclaration ministérielle contient un exposé qui ne manquera pas d’être également considéré par elle. M. Millerand s’est attaché, selon son habitude, à être précis et méthodique. Il a indiqué rapidement quelles étaient ses idées essentielles sur la politique générale. La France, naguère vaincue et privée de deux de ses provinces, est aujourd’hui victorieuse et a refait l’intégrité de la patrie ; elle est une nation libre qui se gouverne elle-même, qui reconnaît une égalité complète entre les citoyens, et qui doit et veut être tolérante ; elle a connu durant la guerre un sentiment de concorde qui a triomphé des anciennes divisions et qui va lui permettre de travailler par l’union de tous à une reconstitution nécessaire. La pratique de ses alliances, l’application du traité de paix, le souci de veiller à sa sécurité et d’obtenir les réparations auxquelles elle a droit, voilà ses premiers devoirs. Mais en même temps elle a besoin de faire un grand effort pour rétablir ses finances et sa prospérité économique. M. Millerand a déclaré qu’il dirait au pays la vérité, et il a eu le courage de proclamer la double nécessité de se restreindre et de travailler. La crise générale qui suit la guerre impose le devoir de consommer moins et de produire plus. Quel que soit l’intérêt qui s’attacherait à certaines réformes d’ordre constitutionnel ou social, elles peuvent attendre. L’essentiel est de remettre de l’ordre dans la maison, d’établir les impôts et de les faire rentrer, de favoriser l’esprit d’initiative, de faire collaborer l’État avec les grandes entreprises pour l’accomplissement des travaux urgents. M. Millerand n’a