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Travailler, tel est désormais le mot d’ordre général. Dès le lendemain de l’élection présidentielle, M. Raymond Poincaré devait constituer un nouveau ministère. Ainsi qu’il l’avait toujours annoncé, M. Clemenceau a quitté le pouvoir le 18 janvier. M. Clemenceau demeure l’objet d’une admiration et d’une gratitude que le gouvernement et le Parlement, nous n’en doutons pas, trouveront le moyen de lui exprimer dans sa retraite chargée de gloire. Les manifestations de sympathie et de respect qu’il a reçues quand il remit la démission du ministère à M. Raymond Poincaré, quand il a quitté la Présidence de la Conférence de la Paix, quand il a transmis ses pouvoirs à M. Millerand ne sont que les premières marques de sentiments qui sont profonds. Mais la résolution prise par M. Clemenceau d’abandonner le ministère était irrévocable. Le Président de la République a confié à M. Millerand le soin de former le nouveau Cabinet. C’était déjà son dessein avant l’élection présidentielle et il était d’accord sur ce sujet avec M. Clemenceau. Après s’être entendu avec M. Deschanel, il a donné suite à son projet, assurant ainsi la continuité des vues du pouvoir exécutif. M. Millerand a procédé avec la rapidité que commandent les circonstances. Quelle tâche en effet réclame les hommes d’État ! Le traité de paix à faire appliquer, le sort de la moitié de l’Europe à régler, notre budget à équilibrer, les régions libérées à reconstituer, les administrations à réorganiser, dans tous les ordres des questions urgentes et essentielles, tel est le programme formidable du gouvernement. M. Millerand en une journée a constitué son ministère. Il lui a donné une physionomie sérieuse et laborieuse. Il a réuni des hommes méthodiques et travailleurs comme lui, et a recherché les compétences. Au ministère de la guerre, il a placé M. André Lefèvre, qui s’est fait remarquer par son rôle utile au cours de la guerre et par la part qu’il a prise à la discussion des conditions militaires du traité de paix. Au ministère du Commerce, il a fait appel à M. Isaac, ancien président de la Chambre de commerce de Lyon et récemment élu député, qui a une autorité reconnue et qui a de hautes qualités d’esprit. Au ministère des Finances, il a mis un financier ; à l’Agriculture un ingénieur agronome ; aux régions libérées un fonctionnaire qui en a dirigé les services sous le précédent ministère ; à l’enseignement technique, un professionnel. Ainsi à tout son cabinet il a volontairement donné l’aspect d’un gouvernement de travail. À lui-même il a réservé dans cette œuvre d’ensemble une double tâche : il est à la fois Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Il a eu l’heureuse