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à l’Opéra comme au feu Théâtre-Lyrique on a commencé de voir sévir le décor « stylisé. » La dite « stylisation d ne consiste que dans une alliance, russo-boche, de formes affreuses avec d’horribles couleurs. J’en atteste le ciel et l’enfer, ceux de Méphistophélès et dans Sylvia, la caverne d’Orion, le farouche ra\isseur.

Nous avons autrefois beaucoup aimé la Basoche ; un peu moins que nous ne l’aimons aujourd’hui. La pièce de M. Albert Carré nous a fait ou refait le même plaisir. Divertissante en est l’imagination, et la conduite ingénieuse. Quant à la partition de M. Messager, si le premier acte continue de nous paraître le plus charmant, les deux autres nous semblent davantage en approcher.

Mlle Edmée Favart est plus à son aise, y étant mieux à sa place, en Colette qu’en Chérubin. Dans le rôle de Marot débutait, ou presque, un jeune artiste, M. Baugé. Heureux débuts : jolie, très jolie voix, avec une façon de chanter qui ressemble à la voix. Enfin la réapparition, après quelque huit ou dix ans, de M. Fugère, a déchaîné l’enthousiasme. Comme il joue et comme il chante encore, le grand et cordial comédien lyrique ! Jamais il n’a déployé plus de verve, une gaîté plus savoureuse, au besoin plus puissante, avec plus de mesure, de goût et de bonhomie. Un personnage de Cherbuliez disait que le bonheur est rond. La rondeur de M. Fugère a fait notre félicité.

Un musicien, de race française encore, et de la plus pure, fient de mourir. Il est juste de le saluer une dernière fois. Un maître, au double sens du mot, maître en son art, maître aussi d’une glorieuse école de piano, tel fut Diémer au jeu limpide, aux doigts ailés.


CAMILLE BELLAIGUE.


Nous remettons à notre prochaine chronique l’analyse de la Rôtisserie de la Reine Pédauque (Opéra-Comique). Il y a dans la partition de M. Levadé, « premier et troisième actes), des choses extrêmement agréables ; peut-être même la promesse, pour une autre fois et sur un meilleur sujet, d’une comédie musicale tout entière charmante.