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par lui représentée à l’Opéra-Comique, l’admirable tragi-comédie du maître Pedrell, la Celestina. La vie brève, de M. de Falla, qui ne fit que passer, à l’Opéra-Comique aussi, mériterait d’y revenir et d’y rester. Du même Falla, nous demandons à M. Pierné de jouer une délicieuse symphonie pour piano et orchestre, exécutée à l’Opéra, un soir de festival ibérique et qui s’appelle Nuits dans les jardins d’Espagne. Sans compter que les Français eux-mêmes ont prouvé, depuis Carmen, depuis l’España de Chabrier et la Symphonie espagnole de Lalo, qu’ils ne s’entendent pas si mal, en musique, aux « cosas de España. » Les choses d’Espagne, ou du pays hispano-français, admirable deux fois, qu’est le pays basque, sont également chères à M. Raoul Laparra. L’esprit et l’âme de ces choses animent des œuvres telles que la Habanera, les Rythmes espagnols, (pour piano seul), et certain Dimanche basque, entendu récemment à l’un des concerts Pierné. Musique pittoresque, cette dernière « suite. » Mais il faut ajouter : musique musicale et deux fois vivante, de la vie extérieure toujours, et, par moments, d’une vie profonde.

Musique française, purement française, elle vit toujours aussi, après trente ans et même davantage, la musique d’un Léo Delibes et d’un André Messager. « Qu’est-ce qu’une idée ? Avez-vous l’idée d’une idée ? » Il y en a plus d’une, et plus d’un sentiment aussi, dans la Basoche et dans Sylvia. La reprise de l’un et de l’autre ouvrages nous a donné quelques heures d’un trop rare plaisir. Sylvia, ou la nymphe de Diane. Le sous-titre est vieillot et le sujet insipide. Mais à peine a retenti l’éclatante sonnerie de cors annonçant les chasseresses, dès les premiers bonds de Mlle Zambelli, alors, sur la scène, à l’orchestre, partout, avec le nom, le souvenir et la vision même de la jeune déesse, la joie, et la joie antique, a rayonné. C’est peut-être ici le plus bel endroit de la partition. Mais ailleurs, que d’élégance, de charme, et, par moments, de mélancolie ! Quelle délicatesse ont les demi-teintes, les ombres quelle transparence, entre les grands coups de lumière ! Quant à Mlle Zambelli, c’est plus qu’une « étoile ; » un « soleil tournant, » aurait dit Beaumarchais. Tous ses mouvements, ses gestes, et ses poses, tout son talent, tout son style, unit à la précision parfaite la perfection de la grâce et de la poésie. Danseuse italienne et musique française, on ne saurait rêver plus aimable symbole de l’union des deux sœurs latines.

Mais pourquoi cette lumineuse musique se joue et se danse-t-elle aujourd’hui dans une demi-obscurité ? Il fait clair partout dans Sylvia, sauf sur la scène. Cependant c’est une histoire grecque. Aussi bien.