Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/706

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grieux ; c’est, à l’avant-dernier acte de Werther, le trouble de Charlotte remettant la boite de pistolets à l’envoyé de Werther ; enfin, dans un opéra vieux de vingt ans, de M. Pierné, la Fille de Tabarin, c’est la rencontre et la reconnaissance de Tabarin et de Mondor, amis et compagnons d’autrefois. Par des qualités du même ordre, la scène de Tarass-Boulba, moins touchante que ses devancières, nous y a pourtant fait songer.

Un de nos confrères, et qui s’y connaît, a parlé tout autrement que nous de la partition de M. Marcel Samuel-Rousseau. M. André Messager y a trouvé surtout de la vigueur ; nous, plutôt de la sensibilité. Alors ? Alors, ayons seulement raison l’un et l’autre et rien ne manquera plus au mérite de l’ouvrage.

Ni la pureté, ni la puissance ne manquent à la voix de Mme Kouznezoff (Xénia), pas même aux notes les plus hautes, toujours éclatantes, perçantes jamais, de cette magnifique voix. M. Priant chanta fort convenablement le rôle du Cosaque fils et ténor. Quant au père Cosaque (baryton), M. Bourbon lui donna toute la sauvagerie nécessaire. Il en aurait plutôt remis. Et pour la clarté, la pondération et l’équilibre, l’orchestre ne fut point inégal à l’orchestration.

Au feu Théâtre-Lyrique encore, nous avons eu, de Claude Debussy, ce qu’on pourrait appeler, à la Schubert, trois « moments musicaux, » étant bien entendu qu’il n’y a là, de Schubert, qu’un titre et que le nom. Aussi bien, même entre eux, les trois petits ouvrages debussystes n’ont rien non plus de commun, sinon de n’avoir pas été faits pour le théâtre et de n’y point convenir.

L’Enfant prodigue, d’abord. C’est la cantate composée pour le prix de Rome, et qui l’obtint. N’en déplaise à celui de nos confrères qui reprochait un jour aux évangélistes de n’être pas artistes, j’aime mieux l’Évangile. Dans l’Évangile, c’est plus simple et plus court. Ici, le frère du prodigue, celui qui demeure toujours avec le père de famille, est remplacé par la mère. Une voix de femme, en toute cantate, est de rigueur. Au Théâtre-Lyrique, la voix maternelle fut plutôt de mollesse, et d’une mollesse chevrotante. Quant à la cantate même, elle ne diffère presque pas de toutes les cantates du temps où les cantates subissaient l’influence de Massenet. Un peu de Gounod y est encore sensible, voire, à la fin, un soupçon de Meyerbeer. A l’orchestre, mieux traité que les voix, il « s’avère, » comme écrivent quelques-uns d’entre nous, une délicatesse, une ingéniosité qui n’annonce pas encore la future et prochaine déliquescence, (un an ou deux ans après), de la Damoiselle élue. L’Enfant