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Paul Adam, et à les suivre au moment qu’il les formulait. Il est difficile de démêler, parmi les éventualités de jadis et de naguère, celles qui avaient le plus de chances de ne pas s’anéantir. Et, s’il est vrai que les plus saines intentions de l’élite soient réduites à rien par la prépondérance, illégitime, hélas ! mais inévitable, des médiocres, s’il en est ainsi depuis que le monde est monde, peut-être vaut-il mieux noter que la logique ne gouverne pas le monde et que l’histoire ne ressemble pas au déroulement rigoureux d’un syllogisme ou d’un sorite.


C’est à l’histoire qu’il faut s’adresser pour éprouver l’intellectualisme, comme on éprouve les idées au contact de la réalité. Ainsi, procède Paul Adam. Et, si l’on est surpris que le romancier que j’étudie devienne, dans mon résumé, un idéologue d’abord, et puis un historien, voilà pourtant le double caractère de son œuvre.

Il a eu l’ambition, — le temps lui a manqué, — de peindre les époques lointaines ou récentes. Les Princesses byzantines et le roman de Basile et Sophia ressuscitent l’admirable et terrible cité où les plus belles idées de l’antiquité tournèrent en fureur : les philosophies les plus sereines s’y avilirent dans la luxure. Être évoque le moyen âge et ne l’évoque pas sans faute. Nous ne connaissons pas très bien le moyen âge : il était malaisé de placer en ce temps, et parmi tout ce mystère que les érudits n’ont pas dévoilé, une anecdote, des gens et le tracas de leur vie quotidienne. Du moins, Paul Adam n’a-t-il pas été la victime du mensonge que l’ignorance et l’esprit de parti ont accumulé sur cette époque où préludait la France. Il écrivait, dans son essai de La littérature et la guerre : « Des sots n’ont-ils pas soutenu que le moyen âge était une époque d’obscurantisme, de servilisme ? Ce temps où les satiristes ébauchaient l’encyclopédie, où les cathédrales s’édifiaient, somme de tous les arts, où les communes imposaient au prince la réunion des États généraux, où les moines défricheurs réalisaient le socialisme conventuel ! » Un critique de gauche remarquait, il y a quelques mois, qu’au surplus ces fameuses cathédrales étaient bien tardives. Mais Paul Adam n’a point dénigré cette époque où l’invention française a peut-être été le plus originale, assurément très hardie et très féconde.

Puis, avec sa tétralogie de La Force, L’Enfant d’Austerlitz, La ruse et le Soleil de Juillet, il aborde les origines de la France contemporaine. Voilà ses plus beaux livres et, parmi eux, l’Enfant d’Austerlitz est, je crois, le plus parfait. Il y avait à se garder des inconvénients