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autres en déclarant ouverte l’ère de l’embrassade universelle, les journaux propagent la peur : la peur d’une guerre européenne consécutive aux complications d’Afrique. Mais pourquoi cette peur ? Depuis trente-huit ans, nous prodiguons les milliards afin d’instruire, d’équiper, d’armer la nation qui connut les gloires de Valmy, d’Austerlitz et de Moscou, les victoires plus récentes de Sébastopol et de Solférino. Pourquoi s’imaginer toujours la défaite, quand on a fêté tant de triomphes ? Certes, l’Allemagne est redoutable : mais nous aussi !… Multiplions les batteries, les transports automobiles, les chemins de fer stratégiques, la flotte et les dirigeables jusqu’à ce que notre puissance visible inspire à l’adversaire le renoncement. Cela est possible ; cela peut s’accomplir rapidement. C’est notre devoir de le faire : car il importe que notre nation et sa culture demeurent au rang des races maîtresses sur le globe par l’énergie matérielle aussi bien que par l’énergie spirituelle. » Commandement de la logique : la revanche !

Il m’a semblé que cette page devait être citée, pour qu’on ne fût pas tenté de confondre l’« intellectualisme » de Paul Adam, comme le voilà, tout brûlant de patriotisme, et la doctrine de ces prétendus « intellectuels » qui, ayant perdu la notion de l’intelligence française, aboutissent aux neutralités les plus honteuses. Petit-fils d’un soldat de l’Empereur et fidèle à ses traditions de famille, Paul Adam, si aventureuse que fût parfois sa dialectique, ne s’est jamais laissé divertir de ses croyances nationales. Toute son œuvre exalte la grandeur française, la gloire de nos drapeaux, les victoires que nos soldats ont remportées sur les champs de bataille. Il n’a point commis l’erreur, si répandue, l’erreur de penser que les triomphes de l’esprit remplacent les triomphes militaires. Il n’a point redouté la guerre ; et, qu’on veuille relire son œuvre : il a aimé la guerre. Il a mérité l’hommage qu’a rendu à sa dépouille l’un de nos chefs dont l’autorité est indiscutable et qu’on ne soupçonnera pas de complaisance pour les idées fausses, le général Mangin.

Mais enfin, nous n’avons pas fait la guerre en 1898, quand Paul Adam dit que nous étions prêts ; nous ne l’avons pas faite en 1908, quand Paul Adam nous sommait de ne plus attendre ; et, en 1914, nous ne l’avons pas déclarée. Est-ce qu’à son avis la logique avait été perpétuellement méconnue ? Et notre victoire difficile et tardive est-elle, au bout du compte, la victoire de la logique ? On peut le dire, et dire le contraire. Il serait facile de signaler le danger qu’il y aurait eu à suivre les commandements de la logique tels que les formulait