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gouvernemental. Le pays serait gouverné par une centurie, laquelle serait élue « par le suffrage de tous les bacheliers, des artistes, des professeurs et des écrivains. » Les membres de la Centurie auraient prouvé leur « mérite social, » qu’une œuvre ou un acte de génie attesterait. La Centurie intelligente et choisie par les citoyens lettrés désignerait le président de la république, les ministres et les ambassadeurs. Elle se répartirait en cinq groupes ou « vingtaines : » la vingtaine politique, la vingtaine des relations étrangères, celle des artistes, celle des savants, celle des financiers. Il y aurait un Sénat, qui serait élu par « tous les bacheliers de France ; » et le Sénat serait une assemblée de cent magistrats, de cent officiers d’état-major et de cent docteurs. L’Institut de France aurait son prestige augmenté.

Les Encyclopédistes déjà aimaient à rédiger des constitutions. Et l’on s’adressait à eux. Paul Adam, je l’indiquais, a bien de l’analogie avec ces philosophes. Mais, de nos jours, l’on ne s’adresse plus aux philosophes pour régler le gouvernement des États : si l’on fait bien ou mal, c’est l’avenir qui le dira. Les inconvénients des philosophes, on les aperçoit : les inconvénients de leurs émules n’ont point échappé à tous les regards.

Je ne sais si Paul Adam maintint exactement son programme et le détail de sa constitution républicaine. En 1898, il offrait une liste des membres de la Centurie : les noms étaient variés, et les hommes se fussent très certainement chamaillés à merveille, pour les idées et pour les réalités auxquelles les idées font un joli costume. Il aurait fallu remanier cette liste, à cause des décès et à cause de certains noms qui vinrent à se déconsidérer. Mais de tels accidents ne sont pas du tout particuliers à une compagnie intelligente. Ce que maintint Paul Adam, c’est le désir de faire coïncider l’intelligence et le gouvernement, l’intelligence et l’efficacité politique. En 1908, dans la Morale de la France, il gourmande « l’élite » et il l’appelle à prendre conscience d’un rôle et d’un devoir qu’elle ne saurait éluder sans trahir l’intérêt de la nation. Il écrit : « Les calculateurs de statistiques chiffrent par un million, à peu près, les personnes que l’on peut dire, au sens large, constituer la classe bachelière, en comptant les professeurs, les avocats, les officiers, les magistrats, les fonctionnaires, les ingénieurs, les notaires, avoués, puis leurs proches évidemment instruits ou capables de goûter les lettres. Il est donc un million de Français en état de réfléchir pertinemment sur le cours des choses... «  Eh ! bien, c’est à ce « million de bacheliers » que Paul Adam veut que