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des fondateurs du journal Le symboliste et l’inventeur de la célèbre formule : « L’art est l’œuvre d’inscrire un dogme dans un symbole. » Sous le pseudonyme de Jacques Plowert, il publia en 1888, chez « Vanier, bibliopole, » un fameux Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes. Le premier mot du glossaire, par un hasard de l’ordre alphabétique, est abscons, « difficile à percevoir ; » et l’on vous renvoie au latin : « absconsus, synonyme de absconditus, caché. » Un exemple est emprunté à M. Félix Fénéon : « les absconses pages qu’aucune note explicative ne profane. » Le Petit glossaire profanait le mystère de maints poèmes récents, prouvait que beaucoup de mots cités par les « folliculaires » comme bizarres et incompréhensibles sont déjà dans le Larousse, entendait le prouver « à la honte des folliculaires qui s’ébahirent à leur aspect, « et, en définitive, montra, sans le vouloir montrer, que les Symbolistes et Décadents écrivaient un affreux jargon. D’ailleurs, les poètes de la Pléiade auraient pu, en leur temps, publier eux aussi leur Petit glossaire : car ils reprenaient de vieux mots hors d’usage et forgeaient un vocabulaire nouveau. Mais il est possible qu’il fallût, au XVIe, enrichir la langue : elle n’avait pas besoin qu’on l’enrichît, à la fin du siècle dernier ; de nos jours, moins encore. Les faiseurs de néologismes sont ordinairement des écrivains qui, faute d’avoir analysé leur pensée, ne s’aperçoivent pas qu’il y a des mots pour la rendre. La langue n’est pas si pauvre ! et vous n’êtes pas sûr que votre pensée soit si neuve ! Paul Adam ne comptait pas au nombre de ses ouvrages le lexique de Jacques Plowert. Cependant, il avait gardé un certain goût du néologisme, qui n’est pas ce qu’on louera dans sa manière d’écrire, autrement si habile, si originale et, par certains côtés, si classique.

Les jeunes écoles ont toujours de l’effronterie, et sur les points où elles prêtent à la critique. Elles affichent leurs défauts. Ce n’est pas maladroit. Leurs défauts les signalent plus que leurs qualités honnêtes à l’attention d’un public nombreux ; et, plus faciles à imiter que leurs qualités honnêtes, leurs défauts leur valent des adhérents. Les symbolistes gagnèrent la renommée par le moyen du néologisme, comme le naturalisme eut ses triomphes les plus éclatants par le moyen de la pornographie. Cela ne veut pas dire, — et je ne le crois pas du tout, — qu’il n’y eût rien de bon dans le naturalisme ni dans le symbolisme. Seulement, ce qu’il y avait de bon, d’excellent même, ici ou là, n’est pas ce qu’on a vu d’abord et ce qui a fait scandale. Ce fut, dans le naturalisme, la recherche souvent