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que rendait charmante la plus exquise politesse. Il était toujours dans la passion, mais la passion la plus variée : quelques-unes de ses audaces, d’autres les corrigeaient. Il croyait à la dialectique et se lançait volontiers à la suite des conséquences : il en revenait avec bonne humeur. Il se trompait comme un autre, et plus que d’autres qui ont soin de n’avancer presque rien : au retour d’une erreur, il avait de la bonhomie. Les tenants d’une seule opinion s’acharnent à la défendre et manquent très souvent d’aménité : il était assez opulent pour renoncer à une doctrine sans redouter après cela d’être tout dépourvu. Cependant il n’abandonnait qu’à regret un système où commençait de prendre forme une esquisse de l’univers intelligible et le sacrifice qu’il consentait montrait sa générosité. Sa causerie était ainsi attrayante et pathétique. On pouvait lui donner tort ; on ne pouvait lui refuser l’admiration que méritait son talent mêlé de génie et, pour peu qu’on l’eût approché, un sentiment d’estime et de tendresse.

Lors de ses débuts, il y a trente-cinq ans à peu près, la jeune littérature était partagée entre deux écoles : l’une qui menait le réalisme très loin, l’autre qui inventait le symbolisme. À vrai dire, le réalisme durait depuis quelque temps : mais on tâchait de le renouveler par le naturalisme, qui est le réalisme encore, avec plus d’intempérance. Et le symbolisme, tout neuf, réagissait, au nom de l’idéal ou de l’idéologie. C’étaient deux écoles et, plus exactement que deux croyances, deux désinvoltures qui tentaient la jeunesse de cette époque. À peine plus âgé que de vingt ans et déjà tel qu’on l’a connu ensuite, avec sa promptitude et qu’alors ne retardait aucune habitude prise, Paul Adam subit les deux tentations ; et, pour céder à l’une, il n’avait pas écarté l’autre. Il fut naturaliste et symboliste. C’est contradictoire ? La contradiction n’est pas ce qu’on redoute à vingt ans ; on a plusieurs philosophies comme on a plusieurs amours.

Naturaliste, Paul Adam publia Chair molle, que les tribunaux n’approuvèrent pas. Mais le verdict des tribunaux n’avait pas convaincu Paul Adam qui, toute sa vie, se souvint d’avoir été naturaliste et qui le resta, d’une façon moins exubérante, moins continue ou moins fréquente. Si plus tard il n’écrivit pas de romans à proprement parler naturalistes, il ne craignit pas de mettre dans ses romans quelques pages naturalistes et qui ont tout l’inconvénient de ce genre bien démodé.

Symboliste, Paul Adam fut le collaborateur de Jean Moréas, l’un