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et sans scrupule des Mangan. Quant aux Dunn, — car il en existe de deux espèces : le Dunn qui pense et le Dunn qui boit, — l’un, Mazzini, le père d’Ellie, est un modeste, un simple, qui travaillera toujours et ne fera jamais rien ; l’autre (car on se rappelle qu’il y en a un autre), se fera prendre la main dans le sac comme cambrioleur, en train de dévaliser les diamants d’Ariane. Et il se trouve que ce voleur est le mari de la nurse Guinness…

Tous ces événements sont un peu compliqués. Je ne me charge pas d’éclaircir cet enchevêtrement de symboles. Quelqu’un, à un moment, s’écrie : « Sommes-nous en Angleterre ou dans un asile d’aliénés ? » C’est le mot de la situation. Elle est devenue inextricable. Mangan est devenu fou de désir pour Hésione ; Hector se lasse de perdre son temps à courtiser Ariane, qui cette fois encore n’a pas rencontré le grand amour, et qui, par représailles, se venge sur son idiot de beau-frère, qui lui sert de souffre-douleurs. On ne sait plus où on en est. La tête se perd dans ce dédale d’intrigues qui ne mènent à rien, dans ces efforts que font pour s’enflammer un peu ces blasés qui ont épuisé la faculté de sentir. Au milieu de cette société d’âmes en peine, le bel Hector se promène en costume d’Arabe, parce que sa femme trouve que l’habit de soirée lui va mal, et cette turquerie ajoute encore à la confusion générale. Le pauvre mari commence à trouver qu’il joue un triste personnage. « Y a-t-il pour un homme esclavage plus abject que celui d’une femme ? » Et on s’aperçoit que dans ce château tout est un trompe-l’œil : les histoires d’Hector sont fausses et faux les cheveux de sa femme, Ariane n’a pas de cœur, le Boss n’a pas le sou, et on va le faire premier ministre… Et il n’y a pas de raison pour que cela finisse.

Le ciel va se charger de faire le dénouement. C’est dans la soirée, au jardin : une nuit délicieuse. Ariane dans un hamac fait la sieste. On vient de faire en causant les belles découvertes que j’ai dites. Le Boss, après son aveu, subit un accès de dépression complète ; il perd toute pudeur, veut se mettre tout nu, puis s’abat dans une crise de larmes. On cause politique. On parle de l’avenir. Quel avenir ? Le monde ne change pas. Rien n’arrive. Il ne se passe jamais rien. La nuit est si calme !.. À ce moment, on entend un bruit sourd dans le lointain. Puis bientôt, une seconde explosion plus proche : cette